La fusillade au parlement survenue en 2014 a provoqué une onde de choc au pays, d'autant qu'elle a mis en relief plusieurs failles en matière de sécurité. Depuis, de nombreux changements ont été mis en oeuvre. Résultat : les coûts liés à la sécurité ont doublé pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC), selon des informations obtenues par La Presse.

UNE FACTURE DE 21,3 MILLIONS

Depuis que le tireur Michael Zehaf Bibeau a fait irruption au parlement le 22 octobre 2014 après avoir tué le caporal Nathan Cirillo devant le Monument commémoratif de guerre, les policiers sont plus présents que jamais sur la colline parlementaire. D'ailleurs, la GRC assure depuis un an le commandement de l'ensemble des services de sécurité de la colline du Parlement afin de permettre une meilleure coordination. Les coûts liés à la sécurité pour la GRC sont ainsi passés de 9,3 millions en 2014 à 21,3 millions en 2016, selon des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. À titre de comparaison, la facture frisait à peine 1,2 million de dollars en 2006. Ces coûts ne tiennent pas compte d'autres mesures adoptées pour renforcer la sécurité comme l'installation de nouvelles caméras de surveillance ou de barrières.

UN NOUVEAU COMMANDEMENT

Avant l'attentat du 22 octobre 2014, la sécurité de l'ensemble des édifices de la colline parlementaire était assurée par trois groupes : les gardes de la Chambre des communes et les gardes du Sénat s'occupaient de la sécurité à l'intérieur des bâtiments, tandis que la GRC veillait au grain à l'extérieur. Mais les événements tragiques d'il y a deux ans ont montré de graves lacunes, l'une d'elles étant que les trois services n'utilisaient même pas le même canal de communication. C'est maintenant chose du passé. Les autorités de la Chambre des communes et du Sénat ont convenu de créer un commandement unique relevant de la GRC, le Service de protection parlementaire. Autre nouveauté : les gardes à l'intérieur du parlement sont armés, portent des gilets pare-balles et de nouveaux uniformes de couleur plus foncée.

D'AUTRES CHANGEMENTS POSSIBLES

Le nouveau Service de protection parlementaire (SPP), qui englobe une nouvelle unité de renseignement pour détecter des menaces, a commandé une étude il y a quelques mois « sur l'infrastructure de sécurité physique de la Cité parlementaire ». Le but de cette étude, qui a été confiée à Recherche et développement pour la défense Canada - une agence du ministère de la Défense qui se vante d'être « le chef de file du Canada en matière de science et de technologie pour la défense et la sécurité dans un contexte qui ne cesse d'évoluer » -, est d'évaluer toute autre mesure susceptible de renforcer la sécurité du parlement, a expliqué le directeur du SPP, le surintendant Michael Duheme, devant un comité des Communes en mars.

APRÈS LE PARLEMENT, LE 24, SUSSEX ?

Les autorités policières estiment que la sécurité à la résidence du premier ministre du Canada, sise au 24, promenade Sussex, doit aussi être renforcée. Tout indique que le gouvernement fédéral profitera des travaux de rénovation qui doivent être exécutés à la résidence pour instaurer de nouvelles mesures de sécurité, dont la construction d'un bunker suffisamment grand pour permettre au premier ministre de réunir son cabinet en cas de crise, selon des informations obtenues par La Presse. Lors de la fusillade au parlement le 22 octobre, l'ancien premier ministre Stephen Harper avait été rapidement conduit au 24, Sussex. Mais il ne pouvait pas y réunir son cabinet en toute sécurité, alors que ses ministres étaient éparpillés sur la colline parlementaire.

D'AUTRES ÉVÉNEMENTS SUR LA COLLINE

Au fil des années, la colline parlementaire a été le théâtre de quelques événements qui ont remis en cause les mesures de sécurité. En 1966, Paul Joseph Chartier est tué dans une salle de toilette du parlement après l'explosion des 10 bâtons de dynamite qu'il manipulait pour les lancer dans la Chambre des communes alors que les députés siégeaient. En 1989, un autocar assurant la liaison entre Montréal et New York a été détourné sur la pelouse avant de l'édifice du centre par Charles Yacoub, un homme d'origine libanaise qui était armé d'un fusil. Il y avait 11 otages à bord de l'autocar. En 1997, Roger Lamoureux, un homme de 35 ans, a foncé avec sa Jeep dans la porte avant de l'édifice du Centre après avoir emprunté l'allée centrale de la flamme du centenaire.

MENACES CONTRE LES PREMIERS MINISTRES

En plus d'assurer la sécurité de la colline parlementaire, la GRC doit fréquemment se pencher sur les menaces de mort proférées à l'endroit des premiers ministres par des individus. Durant son mandat de près de 10 ans, l'ancien premier ministre Stephen Harper a été la cible de 36 menaces de mort, selon un relevé obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le tiers de ces menaces ont été proférées en 2012. Depuis qu'il est au pouvoir, Justin Trudeau a fait l'objet de trois menaces, selon la GRC. En juillet, la GRC a d'ailleurs déposé des accusations contre un individu de 57 ans, James Martin Platts, de Chatham-Kent, en Ontario, pour avoir proféré des menaces de mort contre le premier ministre et sa famille.

- Avec William Leclerc, La Presse