Les pépins encourus depuis la mise en place du nouveau système de paie de la fonction publique fédérale Phénix coûteront au bas mot entre 15 et 20 millions de dollars aux contribuables.

Et les fonctionnaires qui ont des soucis avec leur chèque de paie ne sont pas encore au bout de leurs peines, puisque le fédéral n'envisage pas avoir réglé l'ensemble des problèmes avant le 31 octobre.

Le système Phénix devait à l'origine faire économiser à l'État 70 millions chaque année. Or, les coûts s'accumulent devant la crise qui secoue le système de paie du fédéral. La mise en place de quatre centres temporaires de rémunération et d'un centre d'appel, ainsi que l'embauche de plus d'effectifs au centre de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, coûteront entre 15 et 20 millions.

Mais d'autres frais s'ajouteront. «Il y aura des coûts additionnels pour d'autres (choses) qu'on est en train de regarder, pour accélérer les processus sur l'ensemble du système», a indiqué jeudi la sous-ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Marie Lemay.

Ce montant ne comprend pas non plus les compensations qui pourraient être payées aux employés qui, n'ayant pas reçu leur salaire depuis des mois, se sont tournés vers les banques, ou ceux qui, incapables de payer leurs factures, ont accumulé les pénalités de retard.

Depuis la mise en place en février dernier du système qui gère la paie de plus de 300 000 employés de la fonction publique, 80 000 travailleurs ont connu des difficultés, les montants versés étant inférieurs ou supérieurs à leur salaire. Cette semaine, 1100 de ces cas ont été réglés.

Dans les cas les plus problématiques, les employés n'ont pas touché leur salaire depuis des mois. Mercredi, 486 des 720 employés sans salaire ont enfin reçu leur chèque. Dans deux semaines, à la prochaine période de paie, 234 autres devraient recevoir leur salaire.

Mais voilà, depuis la semaine dernière, plus de 500 nouveaux cas problématiques ont été signalés, ce qui laisse présager que la situation est encore loin d'être réglée.

Ces difficultés ont forcé la tenue d'une réunion extraordinaire du comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, jeudi.

À son entrée à cette rencontre, le député néo-démocrate Erin Weir a insisté sur le fait que le gouvernement devait mettre les bouchées doubles pour régler le problème, afin de limiter le montant de la facture.

«Plus longtemps ce problème dure, plus grands seront les coûts que le gouvernement devra payer», a-t-il illustré.

Les cas d'employés non payés ont défrayé les manchettes au cours des dernières semaines. Les travailleurs temporaires, les nouveaux employés et ceux qui revenaient d'un congé étaient les plus susceptibles de souffrir d'une telle situation. Certains employés, excédés de ne pas être payés depuis des mois, ont carrément claqué la porte. D'autres ont exprimé leur désarroi à voir les factures s'amasser, sans être en mesure de les rembourser.

«Le fait que des gens ne reçoivent pas leur paie, pour nous, c'est inacceptable, a signalé Mme Lemay. Et ça, on n'avait pas prévu ça.»

Malgré ces cas parfois dramatiques, la sous-ministre a affirmé qu'elle croyait toujours que c'était la bonne solution que d'aller de l'avant avec l'implantation de Phénix. Si c'était à refaire, elle s'assurerait toutefois d'avoir plus de personnel pour gérer la situation.

Pour venir à bout du problème, 40 employés supplémentaires ont été embauchés à Miramichi depuis janvier. D'ici les prochaines semaines, des renforts proviendront de Gatineau (115 personnes), Winnipeg (50 personnes), Shawinigan (20 personnes) et Montréal (20 personnes). Par ailleurs, 115 employés travaillent dans un centre d'appel de Toronto pour rediriger les doléances des travailleurs vers les centres de traitement de rémunération.

Le gouvernement de Stephen Harper avait décidé en 2010 de remplacer le vieux système de paie datant des années 1970 et de consolider tous les centres de paie à Miramichi. Le gouvernement libéral, qui a repris le flambeau, a lancé une première phase de Phénix en février. Malgré de nombreux cas d'erreurs signalés par les syndicats, il est allé de l'avant avec la phase 2 en avril.

Donna Lackie, présidente de l'Alliance de la fonction publique (AFPC), a rappelé en comité que le syndicat lui avait demandé de mettre sur pause la phase 2 jusqu'à ce que les problèmes soient réglés, ce qu'Ottawa a refusé.

Résultat: les employés de Miramichi croulent désormais sous la pression, déplore-t-elle.

«Le moral a Miramichi est à son plus bas», a noté Mme Lackie. Elle dit avoir reçu un courriel d'une travailleuse là-bas l'informant qu'un employé avait été retrouvé en larmes dans la salle de bain.

«Nous avons besoin de soutien en santé mentale sur place pour aider ces gens», a-t-elle dit.

Treize syndicats représentant la fonction publique fédérale ont amené en juin le dossier en Cour fédérale pour forcer le gouvernement à payer ses fonctionnaires.