Une experte en matière de défense juge que le mécanisme de consultation du gouvernement Trudeau en matière de défense est sexiste.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau mène actuellement des consultations afin de réviser la politique de défense du Canada. La ministre de la Condition féminine, Patty Hajdu, présidait d'ailleurs une table ronde, mardi, sur l'égalité des sexes dans le cadre de l'élaboration de cette politique - événement auquel avait été invitée Stephanie Carvin, professeure adjointe en Affaires internationales à l'Université Carleton.

Mais Mme Carvin a décidé de décliner l'invitation, parce qu'elle estime avoir été contactée seulement parce qu'elle est une femme - et non pas parce qu'elle est une spécialiste sur la question de l'égalité des sexes dans le secteur de la défense.

La professeure, qui étudie elle-même les enjeux en matière de sécurité, de terrorisme, de technologies, déplore que le gouvernement ait convoqué si peu de femmes expertes pour les autres consultations sur la défense portant sur les «vrais enjeux» - dont l'achat d'avions de chasse et la lutte contre le terrorisme, par exemple.

Dans les dernières semaines, le gouvernement fédéral a organisé plusieurs événements au pays pour entendre des experts sur les questions de défense et de sécurité. À Montréal, le 27 juin, il y avait deux femmes sur 11 spécialistes. À Toronto, il y en avait trois sur 15. À Vancouver, seulement trois femmes ont présenté un mémoire dans un panel de 17 personnes.

Par contre, pour la rencontre de mardi sur l'égalité entre les sexes, on comptait sept femmes sur un total de huit panélistes.

Selon Mme Carvin, l'argument selon lequel il n'existe pas assez d'expertes féminines abordant ces sujets complexes ne tient pas la route.

«Est-ce qu'il y a plus d'hommes que de femmes qui parlent de ces enjeux? Absolument. Mais est-ce que c'est une sorte de prophétie autoréalisatrice? Je crois que oui. Il y a des ressources», a-t-elle affirmé en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

Justin Massie, professeur à l'Université du Québec à Montréal, abonde dans le même sens que Mme Carvin. Il avait lui-même organisé une conférence à Montréal en mai dernier et plusieurs expertes avaient été invitées. Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, avait d'ailleurs prononcé une allocution à cette rencontre.

«Il existe beaucoup d'expertes sur la sécurité internationale. Elles ont été invitées, elles ont participé au processus de consultation publique, mais pas autant dans la voie organisée par le ministère», a-t-il expliqué.

M. Massie dit avoir été surpris par le processus de sélection des experts lors des consultations organisées par le ministère. «J'ai moi-même été invité à la table ronde de Yellowknife, mais pas à celle de Montréal. J'ai un collègue d'Edmonton qui a été invité à Montréal, mais pas à Calgary», a-t-il souligné.

«Ça ne semble pas être les mêmes personnes qui ont organisé chacune des tables rondes. On m'a expliqué que chaque table ronde était organisée séparément. (...) Ça semble avoir été délégué à des responsables locaux», a-t-il poursuivi.

«Est-ce que c'est dû au fait qu'on a invité beaucoup de femmes expertes, mais qu'elles n'étaient pas disponibles? Ça, je ne le sais pas», a-t-il ajouté.

Stephanie Carvin comprend que le gouvernement ait pu assumer que les femmes en connaissent davantage sur les questions d'égalité entre les sexes, mais ce n'est pas le cas, selon elle. «Ce n'est pas parce qu'on est féministe qu'on a automatiquement une opinion sur (ces) enjeux», a-t-elle lancé.

Les femmes sont intéressées aux «vraies» questions sur la défense, et elles ont des opinions sur le sujet, a-t-elle plaidé.

«Je veux que mes jeunes étudiantes sachent que c'est quelque chose qui peut les intéresser, sur laquelle elles pourront travailler. Tout le monde en bénéficierait», a-t-elle conclu.

Les cabinets de la ministre de la Condition féminine et du ministre de la Défense n'avaient pas rappelé La Presse canadienne au moment d'écrire ces lignes.