Le gouvernement de Justin Trudeau veut revoir de fond en comble la façon dont se fait l'évaluation environnementale des projets au pays - mais cet examen risque de prendre beaucoup du temps.

Car Ottawa ne veut pas aller de l'avant sans avoir consulté le public et, pour certains aspects, sans avoir même consulté pour déterminer comment mener des consultations.

Dans un point de presse conjoint, lundi, six ministres fédéraux ont annoncé un examen «exhaustif» des processus environnementaux et réglementaires, qui inclut notamment la modernisation de l'Office national de l'énergie (ONÉ). L'ONÉ est responsable de l'approbation des projets de pipeline et il étudie actuellement la proposition de TransCanada pour son controversé oléoduc Énergie Est.

Le gouvernement libéral entend par ailleurs annuler des changements que les conservateurs avaient effectués à la Loi sur les pêches et à la Loi sur la protection de la navigation - des modifications majeures qui avaient été inscrites dans un projet de loi omnibus étudié à la hâte. Ottawa désire maintenant rétablir certaines des mesures de protection biffées par les conservateurs, tout en ajoutant des mesures «modernes».

Un comité d'expert sera par ailleurs mis sur pied pour revoir le processus d'évaluation environnementale pour s'assurer que les citoyens aient confiance en ce processus. «Les évaluations environnementales sont importantes pour les Canadiens, parce que les projets majeurs sont développés dans les communautés où ils vivent, travaillent et élèvent leurs enfants», a insisté la ministre de l'Environnement, Catherine McKenna.

Le public est dans un premier temps invité à donner son avis en ligne jusqu'au 20 juillet, afin de jeter les bases pour un comité d'experts. Des consultations publiques seront ensuite menées un peu partout au pays, dès le mois de septembre.

Le gouvernement lance toutefois une mise en garde: les projets majeurs ne vont pas de l'avant «sans controverse». «Nous ne pouvons garantir que les décisions seront prises avec un accord unanime», a expliqué Mme McKenna, ajoutant que le gouvernement pouvait cependant s'assurer que les décisions soient basées sur «l'ouverture, l'inclusion, la transparence et les faits».

Pipelines

La modernisation de l'ONÉ - une promesse électorale - est très attendue. La semaine dernière, l'organisme indépendant a annoncé qu'il lançait officiellement l'étude d'Énergie Est, bien que certains aspects du projet soient encore inconnus. Il s'est attiré une pluie de critiques de partis de l'opposition à Ottawa et de groupes écologistes, qui croient que l'ONÉ n'a plus la légitimité nécessaire pour évaluer les projets.

Un groupe d'experts devra se pencher sur son mandat, sa structure et son rôle et soumettre ses conclusions au gouvernement avant le 31 janvier 2017.

Mais la refonte de l'ONÉ ne changera rien au processus actuellement entamé pour l'évaluation d'Énergie Est, car ce sont des règles intérimaires, annoncées en janvier dernier, qui seront en vigueur.

Aux yeux du ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, il s'agit «d'un processus amélioré qui répond aux nombreuses objections», entre autres de groupes autochtones, qui se plaignaient de ne pas être entendus. Les émissions de gaz à effet de serre en amont seront par ailleurs prises en compte dans l'évaluation du projet.

Greenpeace n'a toutefois pas confiance en ce processus intérimaire. «Il est inacceptable que l'ONÉ ait précipité le début de l'évaluation environnementale du projet Énergie Est alors que le gouvernement Trudeau confirme aujourd'hui qu'il faille revoir de fond en comble le fonctionnement de l'organisme dont la crédibilité est déficiente», a signalé son responsable de la campagne sur le climat et l'énergie, Patrick Bonin.

La chef du Parti vert, Elizabeth May, croit elle aussi que les mesures temporaires mises de l'avant par les libéraux «même si elles sont bien intentionnées, sont inadéquates». Elle déplore par ailleurs que le gouvernement passe tant de temps à consulter avant de passer à l'action.

«Il n'y a aucune raison pourquoi le Parlement ne pourrait pas restaurer la législation pré-Harper, et ensuite poursuivre avec les consultations pour améliorer les processus», a-t-elle insisté.

Stephen Hazell, de l'organisme Nature Canada, estime au contraire que ces consultations sont nécessaires et il ne s'attend pas à des changements à court terme. «Je pense que c'est réaliste qu'ils puissent faire passer leur législation d'ici la fin de leur mandat» de quatre ans, a-t-il soutenu.

Le gouvernement s'est défendu pour sa part de mener des consultations pour gagner du temps. Le leader du gouvernement en Chambre, Dominic LeBlanc, a signalé que le gouvernement conservateur n'avait pas consulté la population sur ces enjeux et qu'il fallait le faire pour rétablir la confiance du public.

«La seule façon que ces projets vont aller de l'avant, comme le premier ministre l'a bien dit, c'est s'il y a une certaine confiance du public», a-t-il insisté.