Le gouvernement Trudeau écarte la demande des partis d'opposition de tenir une enquête publique sur l'espionnage et la filature de deux journalistes de La Presse par la GRC en 2007 et 2008. En plus des partis d'opposition à Ottawa, La Presse demande aussi la tenue d'une enquête publique.

Au cours de la période des questions hier à la Chambre des communes, le chef du NPD Thomas Mulcair a demandé au gouvernement Trudeau de tenir une enquête publique sur le comportement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans ce dossier. « La commissaire de la GRC a affirmé n'avoir jamais autorisé l'espionnage illégal [le commissaire Bob Paulson a approuvé en 2008 une demande de filature qui n'a pas eu lieu]. Les faits sont graves. La liberté de presse, un des fondements de notre démocratie, est attaquée », a dit M. Mulcair.

Reconnaissant qu'il s'agit « d'une situation extrêmement sérieuse », le premier ministre Justin Trudeau a toutefois indiqué que cette « erreur » de la GRC « a été réglée ». « Il est tout à fait inacceptable que cela se soit passé au Canada. La GRC a pris des mesures. Le Bureau de sécurité publique a pris des mesures. [...] Ce fut une erreur, cela a été réglé et nous avons appris de cette situation », a dit le premier ministre Justin Trudeau à la Chambre des communes.

La réponse du premier ministre Trudeau n'a pas satisfait Thomas Mulcair. « Non, ce n'est pas une erreur. C'est une illégalité. La GRC a espionné des journalistes, c'est grave. Il faut faire quelque chose d'autre que de prononcer d'autres phrases creuses, clichés et lieux communs », a dit le chef du NPD.

CONSENSUS DES PARTIS D'OPPOSITION

En plus du NDP qui en a fait la demande en Chambre, le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois soutiennent la tenue d'une enquête publique sur le travail de la GRC dans ce dossier. En 2007, deux agents de la GRC ont effectué sans l'autorisation de leurs supérieurs une filature des journalistes de La Presse Joël-Denis Bellavance (durant neuf jours) et Gilles Toupin. En 2008, la GRC a approuvé une deuxième filature de M. Bellavance, qui n'a jamais eu lieu parce que les policiers voulaient aussi avoir accès à ses relevés téléphoniques (cette dernière autorisation touchant les relevés téléphoniques n'avait pas été accordée). La deuxième filature avait été autorisée par Bob Paulson, aujourd'hui commissaire de la GRC.

Dans une lettre au commissaire de la GRC Bob Paulson envoyée mardi en copie au premier ministre Justin Trudeau, au ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale ainsi qu'au chef du NPD Thomas Mulcair, La Presse réclame formellement la tenue d'une enquête publique sur les agissements de la GRC dans ce dossier.

« Nul besoin de vous rappeler que la liberté de presse est un droit fondamental consacré par la Charte canadienne des droits et libertés et que, tel que reconnu par la Cour suprême du Canada, celle-ci comprend la liberté de collecter de l'information, écrit Éric Trottier, vice-président à l'information et éditeur adjoint de La Presse. La filature d'un journaliste constitue une atteinte claire à ce droit fondamental et à la protection des sources journalistiques. Il va sans dire que la possibilité même de l'existence d'une filature compromet de manière irrémédiable le lien de confiance qui doit exister entre un journaliste et une source journalistique afin que les citoyens puissent être informés sur des sujets d'intérêt public et participer de manière éclairée à la vie démocratique du pays. »

PHOTO FRED CHARTRAND, LA PRESSE CANADIENNE

Thomas Mulcair, chef du Nouveau Parti démocratique