Les Communes ont adopté en troisième et dernière lecture, mercredi, le projet de loi qui assouplit les conditions imposées à Air Canada pour l'entretien de ses avions.

Les députés renvoient ainsi la balle aux sénateurs, qui devront à leur tour se pencher sur ce projet de loi qui suscite l'indignation des travailleurs en aéronautique.

La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada obligeait le transporteur aérien à entretenir ses appareils à Montréal, Winnipeg et Mississauga. Le projet de loi C-10 modifie cette loi en stipulant que «sans éliminer l'exercice d'activités d'entretien d'aéronefs en Ontario, au Québec ou au Manitoba», Air Canada «peut modifier le type ou le volume d'une ou de plusieurs de ces activités dans chacune de ces provinces ainsi que le niveau d'emploi».

Seul le député libéral manitobain Doug Eyolfson a rompu la ligne de parti en votant contre le projet de loi, avec le Parti conservateur du Canada (PCC), le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et le Parti vert.

Le Bloc québécois a d'ailleurs critiqué les députés libéraux issus du Québec, en dénonçant «l'oisiveté des libéraux fédéraux québécois qui cautionnent» les pertes d'emploi.

À la période de questions, mercredi, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a accusé le gouvernement de laisser tomber les 2600 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Aveos - la filiale qui s'occupait de l'entretien des avions du transporteur - a fermé ses portes en 2012.

«Pourquoi le premier ministre est-il si pressé de donner un chèque en blanc à Air Canada, qui n'a jamais respecté la loi? Il n'y a jamais eu de conséquence. Pourquoi est-il aussi naïf de croire qu'elle va respecter ses paroles cette fois-ci?», a demandé M. Mulcair.

Justin Trudeau a répliqué en assurant que son gouvernement travaillait fort pour créer des emplois dans le secteur de l'aérospatiale. «C'est pourquoi nous travaillons avec des partenaires comme Bombardier et Air Canada partout au pays pour s'assurer des investissements en innovation et des emplois de qualité dans cette industrie de qualité (...)», a-t-il ajouté.

Le ministre des Transports, Marc Garneau, qui pilote le dossier, ne s'est pas étendu sur les raisons qui poussent le gouvernement à peser sur l'accélérateur dans le dossier. «On fait notre travail, on a beaucoup de choses à faire, et puis C-10 est un de nos projets», a-t-il expliqué.

Québec rassuré

En avril, le gouvernement du Québec avait demandé à Ottawa de ralentir la cadence, parce qu'il craignait que C-10 lui fasse perdre des recours si Air Canada, qui a commandé 45 avions à Bombardier, annulait cette commande.

L'engagement d'Air Canada envers Québec - qui n'est pour l'instant qu'une lettre d'entente - comprend également la mise sur pied d'un centre d'excellence au Québec.

En entrevue mercredi, la ministre québécoise de l'Économie, Dominique Anglade, dit toutefois avoir été rassurée par Ottawa, qui lui aurait promis que même si la loi était adoptée, elle n'entrerait en vigueur qu'en temps voulu.

«Dans les discussions avec le cabinet de M. Garneau, ça nous a été confirmé que ça entrerait en vigueur juste après la finalisation de notre entente. Donc, de ce point de vue là, je suis satisfaite et je suis rassurée», a-t-elle affirmé.

Québec a suspendu ses recours devant les tribunaux contre Air Canada lorsqu'il a signé la lettre d'entente pour les commandes.

Mme Anglade espère avoir finalisé formellement la commande avant que cette suspension prenne fin, à la mi-juillet.

La ministre en profite par ailleurs pour interpeller Ottawa pour une éventuelle aide financière à Bombardier, ajoutant que Québec attendait «impatiemment».

Autre front

Du côté syndical, les espoirs se tournent maintenant vers les sénateurs.

En entrevue, David Chartrand, coordonnateur québécois de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale (AIMTA), signale avoir déjà commencé à rencontrer les représentants de la chambre haute pour tenter de les convaincre de voter contre le projet de loi.

M. Chartrand indique souhaiter «que le Sénat prendra plus de temps pour étudier la question qu'ils l'ont fait en Chambre». Selon lui, les troupes de Justin Trudeau aimeraient clore le dossier avant la fin des travaux parlementaires, à la fin du mois.