Le compte à rebours est bien entamé mais le gouvernement de Justin Trudeau demeure persuadé qu'il y aura une loi sur l'aide à mourir avant la date limite imposée par la Cour suprême du Canada.

Pourtant, en fin de journée vendredi, le feuilleton des avis du Parlement n'annonçait toujours pas le dépôt du projet de loi sur l'aide à mourir.

Et six semaines - le nombre de semaines où le Parlement siège entre le 11 avril et le 6 juin -, c'est déjà bien peu pour passer l'éventuel document par les trois lectures aux Communes, les trois lectures au Sénat, ainsi que l'examen d'un comité parlementaire et d'un comité sénatorial qui, chacun, peut entendre des témoins.

Les partis de l'opposition avertissent qu'il n'est pas question de limiter le temps des débats. Le nombre d'heures dont ils auront besoin pour débattre dépendra, disent-ils, du contenu du projet de loi qu'ils n'ont pas encore vu.

«La loi, c'est le plus petit dénominateur moral commun d'une société», fait remarquer le leader parlementaire du Bloc québécois, Luc Thériault. Il attend donc de voir si le projet de loi éventuellement livré par la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, aura cette qualité de dénominateur commun.

Ce serait le cas, d'après lui, si la ministre se contentait de se coller aux paramètres contenus dans l'arrêt Carter et évitait d'aller beaucoup plus loin, comme l'a fait le comité spécial formé de députés et de sénateurs. Ce comité a conseillé, entre autres, d'étendre à certains mineurs le droit à l'aide médicale à mourir.

M. Thériault n'a pas oublié que les élus bloquistes n'ont pu participer à ce comité spécial.

«Nous, on a été exclu de ce processus de réflexion-là et on nous a dit qu'on aurait la chance de pouvoir contribuer au débat en chambre. J'espère qu'on va avoir tout notre temps pour le faire», a-t-il averti au cours d'une entrevue téléphonique.

Chez les néo-démocrates, on estime que la seule limite de temps de débat acceptable serait celle convenue à l'unisson par les leaders parlementaires des partis. Pas question d'accepter un «bâillon» imposé unilatéralement par le gouvernement libéral.

«Ce ne serait pas pratique d'exiger la clôture après quelques semaines de débats surtout que, chez nous au moins, ça va être un vote libre des députés et les députés vont vouloir consulter leurs concitoyens», a souligné Peter Julian, leader parlementaire néo-démocrate, au téléphone depuis Edmonton où se déroulait le congrès de son parti.

«Le ministre LeBlanc va discuter avec les leaders en chambre de l'opposition afin d'assurer que ce projet de loi soit étudié de façon adéquate, tout en respectant le délai imposé par la Cour suprême», a assuré, dans un courriel, le bureau du leader du gouvernement en chambre, Dominic LeBlanc.

«Nous n'avons aucune raison de croire que les discussions avec l'opposition seront infructueuses», a-t-on également écrit.

Le premier ministre Justin Trudeau, lui, a cité en exemple le travail du comité spécial qui a réuni députés et sénateurs pour conclure qu'il sera possible d'avoir un «débat approfondi et responsable qui entendra toutes les voix nécessaires» dans les temps.

M. Trudeau omet de se souvenir que les députés conservateurs qui ont siégé à ce comité spécial ont pondu un rapport dissident.

Un des signataires de ce rapport dissident, le député conservateur Gérard Deltell, a refusé de partager ses opinions sur le sort qui attend l'éventuel projet de loi. Même silence chez le sénateur conservateur Claude Carignan, qui contrôle la majorité au Sénat.

Ces dernières semaines, des sénateurs conservateurs faisaient savoir qu'ils ne se laisseraient pas bousculer par le calendrier du gouvernement... quel que soit le projet de loi.

Et puis, il faudra aussi tenir compte de la pression exercée par la multitude de groupes opposés à toute aide médicale à mourir, groupes qui n'ont pas abandonné la lutte et multiplient sorties médiatiques et conférences de presse à Ottawa.