Les conservateurs ont réussi à diviser les libéraux sur la question d'Israël, une quinzaine d'élus libéraux ayant refusé, lundi, d'appuyer une motion qui condamne la campagne BDS - boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël.

Plus d'une douzaine de députés libéraux ont préféré rester assis au moment du vote à la Chambre des communes, lundi après-midi. Quelques-uns ont brillé par leur absence. Mais seulement trois d'entre eux se sont levés pour voter contre la motion: René Arsenault, du Nouveau-Brunswick, Larry Bagnell, du Yukon, et Nick Whalen, de Terre-Neuve.

Cette motion, présentée par les conservateurs jeudi dernier, se lisait ainsi: «La Chambre rejette la campagne du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui encourage la diabolisation et la délégitimation de l'État d'Israël, et prie le gouvernement de condamner toute tentative de la part d'organismes, de groupes ou de particuliers du Canada de promouvoir le mouvement BDS, ici et à l'étranger.»

Durant le débat de jeudi, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, avait annoncé que le gouvernement appuierait la motion parce qu'il est d'accord «sur le fond» même s'il a «des réserves quant à la forme».

«(Les conservateurs) ont fait de l'appui à Israël et à la communauté juive canadienne un enjeu partisan. Cela n'a pas fonctionné pour eux, mais ils semblent n'en avoir tiré aucune leçon. Ils nous reviennent aujourd'hui avec cette motion et nous savons très bien que son but est de créer la division. Personne ne sort gagnant de ce genre d'exercice», prévenait le ministre Dion.

Lundi, le vote ou l'absence de vote de plusieurs de ses collègues libéraux démontrait qu'il y avait bel et bien division.

À sa sortie des communes, une des abstentionnistes, Alexandra Mendes, députée de Brossard-Saint-Lambert, a expliqué qu'elle n'appuie pas le mouvement BDS mais qu'elle ne pouvait se ranger derrière cette motion.

«J'ai une circonscription extrêmement multiethnique, très diversifiée. Et je dois répondre à toutes leurs attentes, pas juste à certains groupes», a dit Mme Mendes.

Elle a assuré que le vote est resté libre pour les députés d'arrière-ban, qu'il n'y a eu aucune pression, même pas de discussion sur la motion, avant le vote, bien qu'il y en ait eu beaucoup après.

Son collègue de Mont-Royal, Anthony Housefather, est sorti tout sourire de la Chambre, après le vote, se disant satisfait d'avoir convaincu suffisamment de députés pour que la motion soit adoptée.

Le député libéral avait livré, jeudi, un discours enflammé. S'exprimant sans notes, il avait parlé de son expérience de juif québécois.

«Lorsque je fréquentais l'école dans les années 1990, je n'ai jamais ressenti d'antisémitisme. Pendant les quatre années que j'ai passées à la faculté de droit de McGill, pas une fois je ne me suis senti visé ou mal à l'aise en raison de ma foi ou de mes origines», avait-il relaté.

«Aujourd'hui, malheureusement, à cause du mouvement BDS et de la Semaine contre l'apartheid israélien, ce n'est plus le cas pour les étudiants juifs et tous ceux qui appuient Israël dans les campus canadiens. C'est une honte, car tous les étudiants de notre pays devraient se sentir en sécurité dans les écoles et les campus», avait-il tonné.

Lundi, bloquistes et néo-démocrates ont voté contre la motion, y voyant une attaque contre la liberté d'expression.

«On somme le gouvernement de condamner des gens d'avoir une opinion et d'en discuter. Ça n'a pas de bon sens», s'est scandalisé Thomas Mulcair.

«Que les libéraux votent pour ça, c'est très décevant», a ajouté le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD).

«Manifestement, il y a un malaise», a commenté le chef par intérim du Bloc québécois, Rhéal Fortin, en parlant de la division chez les députés libéraux.

Le vote au parlement a fait réagir également ailleurs que sur la colline. Plusieurs groupes, incluant l'Église unie du Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique et la Ligue des droits et libertés, ont dénoncé le geste parlementaire.

«Le droit à la dissidence est enchâssé dans la Charte canadienne des droits et libertés. Toute tentative de criminaliser, condamner, intimider et réduire au silence les actions pacifiques et non violentes d'individus ou groupes appuyant ou sympathisant avec le mouvement BDS doit être rejetée», peut-on lire dans un communiqué diffusé par ces groupes.