Le gouvernement fédéral a fait preuve de discrimination raciale envers les enfants sur les réserves autochtones dans son financement des services à l'enfance, a tranché le Tribunal canadien des droits de la personne.

Le tribunal, une entité quasi judiciaire qui ne juge que les causes portant sur la discrimination, a publié ses conclusions mardi matin, à la suite d'une enquête sur une plainte de l'Assemblée des Premières Nations et de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, formulée en 2007. Les deux groupes soutenaient que le gouvernement fédéral avait échoué à fournir aux enfants des Premières Nations le même niveau de services qu'ailleurs, ce qui contrevient à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Dans sa décision juridiquement contraignante, le tribunal conclut que les services fournis par Ottawa ont nui aux Premières Nations qui, dans certains cas, se sont vu refuser des services à cause de l'implication du gouvernement.

«Le comité reconnaît la souffrance des enfants et familles des Premières Nations privés d'une chance équitable de demeurer unis ou d'être réunis en temps opportun», détaille la décision, rédigée en anglais.

D'après la directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des premières nations, Cindy Blackstock, il s'agit d'un grand jour pour les enfants autochtones et les Canadiens qui croient en la justice et l'égalité des chances.

Mme Blackstock presse Ottawa de prendre des mesures immédiates, ajoutant qu'elle sera aux aguets pour voir comment réagira le premier ministre Justin Trudeau, qui s'est engagé à appliquer les 94 recommandations du rapport de la Commission de vérité et réconciliation.

La Commission de vérité et réconciliation a, durant six ans, récolté des témoignages déchirants sur le système de pensionnats autochtones, qui était de mise des années 1870 jusqu'à 1996. Le rapport recommandait à tous les paliers de gouvernement de réduire le nombre d'enfants autochtones pris en charge par les services sociaux en fournissant les ressources adéquates aux communautés et aux organisations de services à l'enfance.

«Nous n'avons pas un instant à perdre», a lancé Mme Blackstock.

«Nous devons nous assurer que ces enfants obtiennent ce dont ils ont immédiatement besoin. Je ne peux m'imaginer quoi que ce soit de plus bas que puisse faire un gouvernement que de la discrimination contre des enfants à cause de leur origine, en sachant ce qu'il fait, en sachant qu'il les fait souffrir inutilement en les retirant de leurs familles, en ayant les recommandations en main et en ne les appliquant pas.»

Le gouvernement fait peut-être face à un dur climat économique, mais les Canadiens comprennent le besoin d'assurer l'équité, a ajouté la militante.

«Voici une autre façon d'y penser: combien d'argent le gouvernement fédéral a-t-il économisé en faisant de la discrimination contre les enfants en raison de leur race?»

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d'affaires autochtones, Charlie Angus, a qualifié la décision de «moment charnière».

«Il est temps de payer la note pour des générations de déni et de négligence systématique perpétrés par les Affaires indiennes, par Santé Canada, par le ministère de la Justice contre les enfants autochtones», a-t-il déclaré.

Les libéraux satisfaits

La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, une ancienne chef régionale pour la Colombie-Britannique de l'Assemblée des Premières Nations, s'est réjouie de la décision, tout comme la ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett.

«C'est une belle journée», a dit Mme Wilson-Raybould.

Le gouvernement libéral n'est pas surpris de cette conclusion, a-t-elle affirmé, rappelant qu'il s'était engagé à agir sur la question du bien-être des enfants et à travailler pour arriver à une relation de nation à nation avec les peuples autochtones du Canada.

«Ça concerne l'égalité et le fait de s'assurer de l'égalité des investissements et pas seulement en matière d'argent; en matière de résultats. Nous devons créer un contexte où tous les enfants ont la chance de réussir.»

Les ministres n'ont pas dit combien il en coûterait pour rééquilibrer ces investissements et éliminer la discrimination soulevée par le tribunal.

«Nous savons que nous allons devoir augmenter significativement l'argent disponible pour les programmes à l'enfance», a admis Mme Bennett.

Charlie Angus croit qu'il faudra des centaines de millions de dollars.