Alors qu'il observe ses anciens collègues mettre les bouchées doubles pour accueillir des milliers de réfugiés syriens avant la fin de l'année, le fonctionnaire qui a aidé à coordonner le dernier important programme canadien d'accueil de réfugiés craint que l'obsession de l'atteinte des chiffres ne trahisse un jeu politique.

Gerry Van Kessel en a assez de voir le gouvernement libéral constamment fixer des objectifs pour le programme d'accueil des réfugiés de la Syrie, puis, les changer.

«Il y a un côté superficiel dans tout cela, qui garde l'attention sur les apparences et non sur la substance», a-t-il dit en entrevue.

«Et dans quel but? Ils font quelque chose que le public approuve. Or, l'attention du public ne portera pas sur ce qu'ils font réellement, mais sur toute la manipulation qui l'entoure.»

M. Van Kessel était le directeur général, section des Réfugiés, pour le ministère de l'Immigration lorsque le Canada a évacué 5000 Kosovars et accéléré la relocalisation de plus de 2000 autres en 1999.

Dès que ses anciens collègues et lui ont vu le programme syrien du gouvernement, ils ont su qu'il serait impossible de faire venir plus de trois fois cette quantité de gens en seulement quatre mois.

Ce qui s'est produit depuis, ce n'est rien d'autre que de la politique, assure-t-il.

«C'est devenu un enjeu politique pour les libéraux - leur nervosité découlant du fait qu'ils se rendent compte de leur incapacité à tenir leur promesse - donc ils font semblant qu'ils la tiennent.»

En mars, les libéraux se sont engagés à accueillir 25 000 réfugiés syriens. Durant la campagne électorale, lorsque la crise des réfugiés est devenu un sujet chaud, ils ont promis de les accueillir «immédiatement», ce qui a été ensuite défini comme étant «avant le 31 décembre». Une fois élus, ils ont revu cet objectif, disant qu'ils accueilleraient plutôt 10 000 personnes avant la fin de l'année, et 15 000 autres avant la fin du mois de février.

Le même genre de scénario s'est produit autour de la prise en charge. L'idée initiale que 25 000 réfugiés pris en charge par le gouvernement seraient accueillis avant la fin de l'année a été précisée, le Parti libéral disant que cet objectif tenait aussi compte des réfugiés pris en charge et parrainés par le privé.

Peu importe les détails, les 25 000 individus allaient être sélectionnés avant la fin de 2015, disaient-ils.

Finalement, la semaine dernière, le ministre de l'Immigration a annoncé qu'il ne pouvait garantir que 10 000 Syriens seraient au Canada avant la fin de la semaine, mais que l'objectif de 25 000 d'ici la fin février était maintenu.

Et la sélection des 25 000 réfugiés d'ici la fin de l'année a été remplacée par 10 000 d'ici la fin de 2015.

Selon le ministère de l'Immigration, le 26 décembre, 2413 réfugiés avaient atterri au Canada. Les 27 et 28, 1452 autres étaient attendus. Neuf vols gouvernementaux sont prévus pour les trois derniers jours de 2015.

Le gouvernement a donné diverses raisons pour expliquer les changements au programme, comme des conditions de vol défavorables ou la pression de la population qui lui demande de prendre plus de temps pour évaluer les questions de sécurité.

Gerry Van Kessel voit deux écueils potentiels au fait de se mettre autant de pression avec une date: que les fonctionnaires ressentent l'obligation de prendre des raccourcis pour réaliser les objectifs, et que les autres programmes soient négligés.

«Le programme de réinstallation est un vraiment bon programme, lâche-t-il. Et je n'aime pas qu'il serve à des jeux politiques.»