La justice canadienne a participé à une séance de travail privée au siège des Nations unies avec des représentants de plusieurs géants du web, la semaine dernière, afin de chercher des façons plus efficaces d'obtenir copie des communications envoyées par les suspects de terrorisme via les réseaux sociaux.

Le Canada était représenté à cette rencontre par la procureure de la Couronne fédérale Lyne Décarie, celle qui pilote les dossiers de plusieurs suspects de terrorisme québécois, dont l'adolescent de 16 ans trouvé coupable au tribunal de la jeunesse de Montréal la semaine dernière.

Procédures lentes

La procureure avait prononcé un discours à New York, mercredi dernier, devant les participants à la réunion extraordinaire du Comité contre le terrorisme, chargé de faire des recommandations au Conseil de sécurité de l'ONU. Elle avait notamment insisté sur la lenteur des procédures d'assistance internationale permettant aux autorités de demander légalement accès à des données stockées sur des serveurs à l'étranger, par exemple ceux de Twitter ou Facebook, des réseaux sociaux très utilisés par les jeunes extrémistes.

«Souvent, nous avons affaire à des enjeux urgents et, oui, les serveurs sont aux États-Unis. Nous devons trouver un moyen d'y avoir accès plus rapidement», avait-elle déclaré. Car ces communications sont au coeur des enquêtes antiterroristes

«Je regarde dans les ordinateurs de ces jeunes personnes, je regarde dans leur téléphone ce qu'elles consultent. Certaines sont seules dans leur chambre et c'est ainsi qu'elles sont radicalisées, sans même assister à des rencontres de groupe», a-t-elle souligné.

Le procureur français François Molins, qui pilote l'enquête sur les attentats de Paris, ainsi qu'un cadre du FBI, Matthew Miraglia, ont abondé dans le même sens. «Notre message au secteur privé n'est pas: donnez-nous accès à tout. C'est plutôt: aidez-nous», a déclaré ce dernier. Il a noté qu'il ne fallait pas se surprendre que les jeunes radicalisés n'utilisent plus le téléphone et le courriel et aient migré vers d'autres plateformes de communications qui posent de nouveaux défis aux enquêteurs, puisque «c'est ce que les jeunes font, ils sont toujours les premiers sur les nouvelles technologies».

Facebook

La discussion s'est ensuite transportée dans un cadre moins formel où les représentants des autorités de divers pays ont pu converser avec les cadres de plusieurs multinationales du secteur des technologies, dont Monika Bickert, chef des politiques de gestion globales chez Facebook.

Celle-ci avait elle aussi prononcé un discours public dans lequel elle avait souligné que l'entreprise peut parfois être proactive sur ce plan, sans même attendre une requête des services policiers.

«Si nous percevons une menace à la sécurité de quelqu'un, nos règles nous permettent de fournir volontairement l'information», a-t-elle dit.

Mme Bickert n'a toutefois pas voulu s'étendre en public sur les nouvelles modalités qui pourraient faciliter l'accès de la police aux communications des terroristes, par exemple la possibilité de présenter un mandat de perquisition dans tout pays où Facebook possède une place d'affaires, plutôt que de passer obligatoirement par les États-Unis.

Elle a plutôt mis en valeur le travail accompli par ses employés pour retirer le contenu terroriste et fermer les comptes de propagande de groupes comme l'État islamique.

«Il n'y a aucune considération politique pour nous là-dedans. Nous ne voulons pas que notre plateforme soit utilisée pour promouvoir la violence», a-t-elle expliqué.