Justin Trudeau ne voit aucune raison qui justifierait de rouvrir la Constitution canadienne - pas même pour y inclure le Québec.

En entrevue à La Presse Canadienne, le premier ministre a demandé carrément «pourquoi» il faudrait rouvrir la Constitution, rapatriée en 1982 par son père, et qui n'a jamais été signée par le Québec.

Selon lui, il n'existe pas de «problème concret» impossible à résoudre à moins de rouvrir la Constitution.

Le chef libéral reconnaît que la façon dont s'est effectué le rapatriement, alors que le Québec a été placé devant le fait accompli, a généré un «sentiment d'exclusion». Il signale toutefois qu'il n'a pas à «défendre les actions d'autres premiers ministres», y compris celles de son père.

Pour M. Trudeau, au-delà de ce qu'il a qualifié de «symboles», le Québec reste couvert par cette Constitution. Et le fait que les Québécois ont voté massivement aux dernières élections pour le Parti libéral du Canada (PLC), une formation «farouchement fédéraliste», prouve que les Québécois n'ont pas tant d'appétit que cela pour les projets constitutionnels.

Tous ne pensent pas comme lui, à commencer par le premier ministre québécois Philippe Couillard.

Lors du congrès de son parti en juin dernier, M. Couillard avait paru convaincu qu'il faudrait s'engager sur la voie des négociations constitutionnelles un jour ou l'autre.

La réforme électorale ne favorisera pas les libéraux, dit Trudeau

Le premier ministre Justin Trudeau affirme qu'il n'a aucun intérêt à remplacer le système électoral uninominal majoritaire du Canada par un autre qui serait conçu de façon à favoriser le Parti libéral.

Il soutient plutôt qu'il souhaite un système qui renforcera la démocratie au pays.

«J'imagine que cela revient à demander pourquoi je fais ce travail», a déclaré M. Trudeau lors d'une entrevue de fin d'année accordée au bureau parlementaire de La Presse Canadienne.

«Suis-je dans ce poste pour défendre un parti politique en particulier et m'assurer (...) que les libéraux gouvernent ce pays pour toujours? Non. Je fais ce travail pour essayer de faire une différence significative et positive dans la vie des gens.»

Si son unique préoccupation était de favoriser son propre parti, M. Trudeau affirme que rien ne serait plus facile que de maintenir le statu quo, qui a permis aux libéraux de mettre la main sur 54 % des sièges aux Communes le 19 octobre avec seulement 39,5% du vote populaire.

«Ce serait plus facile de ne rien faire et de dire: »OK, vous savez quoi? Cela a fonctionné pour nous, je crois qu'on peut faire en sorte que le système actuel marche pour quelques autres mandats.« (...) Mais cela n'est pas le genre de leadership auquel les Canadiens s'attendent.»

M. Trudeau a promis lors de la campagne électorale que les élections du 19 octobre seraient les dernières avec un système majoritaire uninominal, dans lequel le candidat qui remporte le plus de voix dans une circonscription obtient le siège.

Ce système a été critiqué parce qu'il produit de fausses majorités - incluant celle de M. Trudeau - et sous-représente les plus petits partis, ce qui contribue au faible taux de participation aux élections, car les citoyens ont l'impression que leur vote ne compte pas.

Le premier ministre récemment élu a offert son explication la plus détaillée à ce jour sur ses pensées entourant la réforme électorale lors d'une rencontre éditoriale de 75 minutes avec les membres du bureau d'Ottawa de La Presse Canadienne, mercredi.

Lors de cette discussion ouverte, portant sur de nombreux sujets, il a aussi défendu son approche pour rester connecté avec les Canadiens qui ne suivent pas la politique de très près, incluant son habitude de poser pour des égoportraits et de donner des entrevues à des publications non politiques, comme le magazine Vogue, la bible de la mode.

Depuis les élections d'octobre, les conservateurs ont accusé Justin Trudeau de vouloir remplacer le système électoral actuel par un système de scrutin préférentiel - parce que cela bénéficierait aux libéraux du centre qui seraient certainement sélectionnés comme deuxième choix par les partisans des autres formations politiques plus idéologiques.

Avec un système de scrutin préférentiel, les électeurs indiquent leur premier, deuxième, troisième choix ainsi que leurs options subséquentes. Si aucun candidat ne remporte une majorité claire, le candidat en dernière place est éliminé et les seconds choix de ses partisans sont alors redistribués. Ce processus continue jusqu'à ce qu'émerge un candidat avec plus de 50 % des voix.

Durant la course au leadership du Parti libéral, M. Trudeau avait exprimé sa préférence personnelle pour un système préférentiel. Mais il a dit à La Presse Canadienne qu'il voulait «faire attention de ne pas mettre de l'avant ses préférences à ce sujet», maintenant qu'elles ont plus de poids.

Et puis, il a souligné que la réforme électorale ne relèvera pas uniquement de lui. Les Canadiens seront «largement consultés» par un comité spécial multipartite qui doit recommander des solutions de rechange au système de scrutin d'ici 18 mois.

Cela étant dit, M. Trudeau croit qu'un système réformé ne devrait pas affaiblir les liens d'un député avec les citoyens et son obligation de rendre des comptes à ses électeurs.

«Décider quel genre de pays nous sommes et quel type de système nous conviendrait le mieux est un processus excitant. C'est une tâche très ardue parce que c'est le genre de chose qui pourra avoir un impact pendant des décennies».

- Avec Joan Bryden, La Presse Canadienne