Le gouvernement fédéral a bon espoir que la Cour suprême du Canada (CSC) lui accordera le délai qu'il réclame pour élaborer et faire adopter un projet de loi sur l'aide médicale à mourir.

Le leader du gouvernement en Chambre, Dominic LeBlanc, estime que les arguments mis de l'avant par Ottawa sont assez solides pour convaincre les magistrats du plus haut tribunal au pays d'accéder à la demande.

«Je peux vous dire que nous sommes assez optimistes», a-t-il plaidé en point de presse au parlement à sa sortie d'une rencontre du conseil des ministres, mardi.

«Nous avons avancé des raisons, je crois, très précises pourquoi un délai de six mois nous donnera l'occasion de mettre en place une législation qui rencontrera le vide créé par la décision de la Cour suprême», a-t-il ajouté.

Et si la CSC disait non au gouvernement? M. LeBlanc refuse de préciser si les libéraux ont un plan de rechange dans cette éventualité, disant ne pas vouloir «commenter sur des décisions hypothétiques des tribunaux».

Ottawa disposait d'un an pour réagir au jugement rendu le 6 février dernier par la CSC dans le dossier du suicide assisté. Le fédéral a demandé au même tribunal, il y a environ deux semaines, de lui accorder une prolongation de six mois pour se pencher sur cet enjeu délicat.

Les documents de toutes les parties impliquées dans cette cause ont été reçus, a-t-on confirmé du côté de la CSC. La décision  de la Cour était toujours inconnue, mardi.

Le gouvernement libéral n'a pas attendu la réponse et a fait adopter vendredi dernier en Chambre une motion unanime visant la création d'un comité spécial qui mènera des consultations sur l'aide médicale à mourir.

Le comité est composé de cinq sénateurs - les conservateurs Kelvin Ogilvie, Judith Seidman et Nancy Ruth ainsi que les libéraux James Cowan et Serge Joyal - et de dix députés issus des rangs du Parti libéral, du Parti conservateur et du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Les néo-démocrates ont désigné comme représentants la nouvelle députée de Saint-Hyacinthe-Bagot, Brigitte Sansoucy, et son collègue britanno-colombien Murray Rankin. Les libéraux et les conservateurs n'ont pas précisé quels élus de leur formation en feraient partie.

Les travaux du comité spécial mixte devraient débuter dès janvier, et son rapport final est attendu au plus tard le 26 février.

Ottawa espère ensuite déposer rapidement, dès le mois de mars, un projet de loi qu'il prévoit faire adopter en juin, avant l'ajournement des travaux pour l'été, a précisé Dominic LeBlanc.

Tout se passera donc très rapidement si l'on compare avec ce qui s'est passé du côté de Québec, où l'on a consulté pendant plusieurs années avant de finalement faire adopter en juin dernier la Loi concernant les soins de fin de vie, entrée en vigueur le 10 décembre dernier.

Mais les libéraux n'agissent pas trop rapidement, s'est défendu le leader du gouvernement à la Chambre des communes, soulignant que la CSC avait jugé raisonnable d'accorder aux législateurs une période d'un an pour réagir à sa décision.

«C'est un reproche que l'on pourrait faire au gouvernement précédent», a tranché M. LeBlanc, refusant de dire clairement si la ligne de parti sera imposée aux députés libéraux lorsqu'un éventuel projet de loi sera soumis au vote aux Communes.

«M. (Justin) Trudeau, dans la plateforme électorale, a identifié trois circonstances où ça sera difficile d'avoir un vote libre. Les questions qui touchent à la Charte des droits et libertés en était une des situations», a-t-il simplement fait remarquer.

La CSC a invalidé le 6 février dernier deux articles du Code criminel interdisant à un médecin d'aider des patients gravement malades à mourir, déterminant que les articles en question portaient atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés.

«Dans la mesure où ils prohibent l'aide d'un médecin pour mourir que peuvent demander des adultes capables affectés de problèmes de santé graves et irrémédiables qui leur causent des souffrances persistantes et intolérables, l'article prive ces adultes du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne» garanti par la Charte, est-il écrit dans la décision unanime.

Les conservateurs ont été accusés de s'être traîné les pieds dans le dossier de l'aide médicale à mourir, mettant cinq mois avant de démarrer le processus en créant un comité consultatif externe.

Ce comité, dont faisait partie l'ancien ministre québécois Benoît Pelletier, a rendu mardi son rapport aux ministères de la Santé et de la Justice. Il doit être traduit et rendu public prochainement, a signalé un porte-parole du ministère de la Justice.