La Russie a souvent omis, depuis quelques semaines, de prévenir l'armée turque de ses manoeuvres militaires en Syrie, comme elle s'était pourtant engagée à le faire, a soutenu mercredi l'ambassadrice du Canada à l'OTAN.

Un avion chasseur russe a été abattu en vol au-dessus de la Turquie, mardi. Selon Ankara, l'appareil, qui rentrait d'une mission en Syrie, a refusé de quitter l'espace aérien turc, en dépit de multiples avertissements.

Kerry Buck a indiqué à La Presse Canadienne, mercredi, que le Canada et d'autres pays, dont la Russie, tentaient activement d'améliorer le protocole de communications entre alliés, afin de prévenir de tels incidents. L'ambassadrice canadienne a aussi soutenu que Moscou devrait joindre la coalition occidentale dans ses opérations contre le groupe armé État islamique plutôt que de bombarder les Turkmènes de Syrie, qui font partie, selon elle, de l'opposition modérée au président Bachar el-Assad.

L'ambassadrice canadienne a participé, mardi à Bruxelles, à la réunion d'urgence du Conseil de l'Atlantique Nord, instance civile suprême de l'OTAN. La réunion extraordinaire avait été demandée par la Turquie, un de ses membres, qui voulait offrir sa version des faits.

Cet incident militaire est aussi historique: c'est la première fois en plus de 50 ans qu'un pays membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) abat un avion russe (ou soviétique), et l'affaire constitue un nouvel épisode dans l'escalade de tensions entre Moscou et l'alliance Atlantique, forte de 28 membres.

Comme les autres représentants des pays membres de l'OTAN, Mme Buck a pu écouter, mardi à Bruxelles, les enregistrements où l'on entend pendant cinq minutes 10 avertissements de l'armée turque à l'avion russe. Elle a rappelé mercredi que l'OTAN acceptait la version de la Turquie dans cette affaire, mais oeuvrait désormais à apaiser les tensions suscitées par l'incident. Le président russe, Vladimir Poutine, prévenait mardi que cette affaire aurait des «conséquences importantes» sur les relations de Moscou avec Ankara.

«Pour réduire les risques, il faut plus de transparence», a estimé Mme Buck, dans un entretien téléphonique depuis Bruxelles. «Dans le cas qui nous occupe, on constate que les Russes n'ont pas répondu (aux avertissements), alors il faut encourager les parties à utiliser les canaux de communication appropriés.»

L'ambassadrice canadienne rappelle que de tels canaux existent déjà entre Moscou et l'Occident, notamment un protocole d'entente conclu entre les États-Unis et la Russie mais qui s'applique à tous les pays de la coalition menée par Washington contre le groupe État islamique en Syrie et en Irak. Il existe aussi des canaux de communication bilatéraux - entre les états-majors de certains pays, notamment la Turquie.

«Malheureusement, la Russie n'a pas (...) toujours respecté plusieurs de ces canaux de communication. Dans le cas présent, il semble qu'ils n'aient pas répondu (aux sommations) des Turcs, ce qui a eu de très, très graves conséquences.»

Les deux pilotes russes ont réussi à s'éjecter, mardi, mais l'un d'eux a été abattu par des rebelles syriens au sol, pendant sa descente en parachute. L'autre a finalement été secouru par des soldats syriens qui l'ont remis, sain et sauf, à une base russe. Un soldat d'élite russe qui participait à la mission de sauvetage a aussi été tué.

Mme Buck a d'ailleurs rappelé que le Conseil de l'Atlantique Nord avait tenu une réunion extraordinaire à la demande d'Ankara le 5 octobre dernier pour discuter de présumées violations répétées de l'espace aérien turc par des avions russes qui n'avaient pas averti les autorités. «Il faut prévenir ces incidents en accentuant la coopération entre les états-majors (...) mais c'est un long processus», admet l'ambassadrice.

L'OTAN demande par ailleurs à la Russie pourquoi elle s'acharne à bombarder un territoire très proche de la Turquie, là où «aucun groupe Dahesh, d'ÉI ou du Front al-Nosra n'est présent, à notre connaissance», soutient Mme Buck. Elle suggère que la Russie veut en fait bombarder la minorité turkmène, qui a des liens avec la Turquie.

En visite officielle à Londres, le premier ministre Justin Trudeau a indiqué mercredi que les tensions entre Ankara et Moscou étaient causes d'inquiétudes. «C'est pourquoi l'ambassadrice canadienne à l'OTAN et ses homologues déploient des efforts pour apaiser les tensions par la voie diplomatique, en rétablissant le plus possible les voies de communications directes.»