Le gouvernement Trudeau reporte de deux mois la date butoir de l'accueil des 25 000 réfugiés syriens au Canada. Le plan présenté par Ottawa mardi prévoit que 10 000 d'entre eux arriveront d'ici la fin de l'année, soit dans les délais initialement prévus par la promesse électorale du Parti libéral du Canada. Mais 15 000 autres n'arriveront pas avant la fin du mois de février.

«Nous devons accueillir ces gens non seulement avec un sourire, mais avec un logement et avec les autres choses dont ils ont besoin, a expliqué le ministre fédéral de l'Immigration, John McCallum. C'est un défi logistique extrêmement important. [...] Donc nous prendrons un peu plus de temps afin de le faire de façon correcte.»

Le transport du Liban, de la Jordanie et de la Turquie se fera par vols nolisés privés qui arriveront à Montréal et à Toronto à partir du début du mois de décembre. Des appareils militaires seront utilisés si nécessaire et ils seront prêts à transporter des passagers toutes les 48 heures, a précisé le ministre de la Défense, Harjit Singh Sajjan.

De 564 à 678 millions de dollars

Le coût de cette initiative est évalué à 564 à 678 millions de dollars sur six ans. Le gros de ces sommes sera toutefois dépensé au cours des deux premières années, ont précisé des membres du gouvernement mardi. Il s'agit en majeure partie de dépenses qui n'étaient pas prévues dans les budgets existants, et qui n'incluent pas les transferts qui pourraient être versés aux provinces pour financer leurs efforts.

Le gouvernement compte choisir les 25 000 candidats d'ici la fin de l'année. Du nombre, 15 000 seront parrainés par le gouvernement et 10 000 feront l'objet d'un parrainage privé. La vaste majorité des 10 000 personnes attendues d'ici la fin de l'année, soit 8000, seront des réfugiés parrainés par le secteur privé. À noter qu'une centaine de réfugiés syriens qui sont déjà arrivés au pays depuis le 4 novembre en vertu des processus normaux seront aussi inclus dans le compte final.

Tel que rapporté il y a quelques jours, les personnes visées excluront les hommes célibataires, sauf s'ils font partie de la communauté gaie, bisexuelle, transsexuelle et transgenre, ou qu'ils sont parrainés de manière privée. La priorité sera donc accordée aux familles et aux femmes jugées «à risque».

Contrairement aux informations qui circulaient jusqu'à mardi, cependant, les bases militaires ne serviront finalement que de solution de rechange. Ottawa souhaite plutôt que les nouveaux arrivants soient acheminés le plus rapidement possible vers leur destination finale. La ministre de la Santé, Jane Philpott, a précisé qu'il est préférable de limiter les interactions avec les Forces armées, compte tenu des expériences passées de certaines des personnes visées. Le ministre de la Défense s'est néanmoins dit prêt à accueillir jusqu'à 6000 personnes dans des bases du Québec et de l'Ontario, au besoin.

Toutes les vérifications de sécurité, de santé et d'immigration seront menées à l'étranger. Elles prévoient la collecte de données biométriques telles que des empreintes digitales et la vérification de bases de données des forces de l'ordre. Les réfugiés considérés seront ceux qui vivent à l'extérieur de la Syrie, mais qui sont des ressortissants syriens ou des apatrides ayant résidé en Syrie et qui sont enregistrés auprès du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou de la Turquie.

Des réactions positives

Pour accueillir tous ces nouveaux venus, des séances d'information se tiendront un peu partout au Canada au cours du week-end prochain avec divers intervenants, dont des groupes communautaires et des représentants des municipalités, afin de plancher sur des solutions. Un site internet sera aussi accessible pour mieux diriger les Canadiens qui souhaitent offrir leur aide dans le cadre de cette vaste opération, que ce soit par du soutien financier, un parrainage ou du bénévolat auprès d'organismes locaux.

Le gouvernement a annoncé que les réfugiés bénéficieront des soins de santé complets qui étaient offerts par le gouvernement fédéral avant des changements controversés qu'avaient apportés les conservateurs, c'est-à-dire les soins de base offerts à tous les Canadiens en vertu des régimes provinciaux d'assurance maladie, plus des soins dentaires, oculaires et les médicaments.

L'opposition officielle à Ottawa a réagi en applaudissant le report de la date butoir, mais en réclamant un plan plus détaillé des coûts, des mesures de sécurité et des démarches d'intégration qui seront mises en oeuvre. «Les promesses de campagne de M. Trudeau de réinstaller 25 000 réfugiés d'ici la fin décembre ne prévoyaient pas un plan exhaustif de sécurité, d'hébergement, de santé et d'intégration dans la famille canadienne», a déclaré le député conservateur Denis Lebel.

«L'annonce faite aujourd'hui par les libéraux laisse plusieurs questions sans réponse», a-t-il ajouté.

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, avait affirmé la semaine dernière que ce serait une «erreur fondamentale» de demander à Ottawa de reporter l'échéancier d'accueil des réfugiés syriens. Ses ministres se sont néanmoins dits satisfaits du plan dévoilé mardi. «C'est un rythme qui nous convient parfaitement, qui nous assure d'être prêts au maximum dans l'ensemble des services que nous aurons à déployer», a indiqué le ministre de la Sécurité publique, Pierre Moreau.

En après-midi, le maire de Montréal, Denis Coderre, a quant à lui annoncé que 1 million de dollars allaient être dégagés du budget municipal pour l'accueil des réfugiés. M. Coderre a par ailleurs salué «l'urgence raisonnable» et la prudence dont fait preuve le gouvernement canadien en prolongeant un peu le délai.

Le gouvernement Couillard donnera davantage de détails sur le nombre de réfugiés syriens qui arriveront au Québec ce matin.

- Avec Martin Croteau et Louise Leduc