Les élections fédérales imminentes engendreront plus de dépenses que jamais auparavant au Canada, et une campagne déclenchée plus tôt que tard décuplera l'avantage des conservateurs, dont les coffres sont déjà, et de loin, les mieux garnis.

Mais alors qu'on a fait grand cas des prouesses des conservateurs en matière de financement au niveau national, le plus grand impact d'une campagne prolongée se fera sentir par les candidats des circonscriptions.

Une analyse du financement au niveau le plus local, effectuée par La Presse Canadienne, démontre que les coffres-forts des candidats conservateurs sont bien remplis, beaucoup plus que ceux de leurs rivaux. En fait, les plus récents états financiers déposés à Élections Canada démontrent que les candidats du Nouveau Parti démocratique (NPD), du Parti libéral du Canada (PLC), du Bloc québécois (BQ) et d'autres petits partis n'ont tout simplement pas les moyens de concurrencer leurs adversaires du Parti conservateur du Canada (PCC).

Les rapports financiers de 2014 de chacune des 338 circonscriptions du pays démontrent que les actifs du PCC s'élevaient à plus de 19 millions $ à la fin de l'année. C'est plus que ceux des libéraux, des néo-démocrates, des verts et des bloquistes réunis. Les associations de circonscriptions libérales ont rapporté un total de 8 millions $ d'actifs nets; celles du NPD, plus de 4,4 millions $; celles du Parti vert, près de 1,2 million $; et le Bloc québécois, 410 000 $.

La loi sur les élections à date fixe présentée par le gouvernement Harper en 2007 prévoit que les Canadiens se rendront aux urnes le 19 octobre. La loi stipule qu'une campagne doit durer au moins 37 jours, mais ne donne pas de limite maximale. Cela n'est pas sans importance: d'après la nouvelle loi sur l'intégrité des élections, à chaque jour qui excède la typique campagne de cinq semaines, la limite de dépenses pour les partis et leurs candidats augmente de 2,7 pour cent, ce qui donne un avantage clair aux partis ayant les comptes en banque les mieux garnis.

Un parti comptant un candidat dans toutes les circonscriptions peut dépenser près de 25 millions $ pour une campagne de 37 jours. Chaque jour supplémentaire, la limite de dépenses nationales augmente de 675 000 $, et celle d'un candidat ayant droit à 100 000 $ de dépenses augmente de 2700 $. Si Stephen Harper déclenche les élections à la mi-août, tel que la rumeur le veut, cela augmenterait la limite de chaque parti de 19,6 millions $, et celle de chaque candidat de 78 300 $.

En plus de ce net avantage dans le financement, le gouvernement conservateur a imposé au niveau local de nouvelles lois sur les prêts, qui rendent plus difficile pour les candidats sous-financés de dépenser un montant qui s'approche de celui de leurs concurrents. Les conservateurs ont non seulement le luxe de n'avoir pas besoin de prêt, ils peuvent en plus transférer de l'argent des circonscriptions les plus riches à celles plus pauvres ou au parti.

Lors d'une récente entrevue, le chef libéral, Justin Trudeau, admettait lui-même que les réserves des libéraux seraient à sec après les prochaines élections.

«Lorsque le Parti conservateur a réécrit les lois électorales sans demander l'avis d'Élections Canada, des autres partis politiques ou des électeurs eux-mêmes, ils l'ont fait avec une chose en tête: les intérêts du Parti conservateur», a exprimé Jeremy Broadhurst, le directeur national du PLC.

La directrice nationale de campagne pour le NPD, Anne McGrath, a affirmé de son côté que son parti avait un plan pour s'adapter à l'éventualité d'une campagne prolongée. Cela dit, elle souligne que les conservateurs ont dépensé cinq fois plus que le NPD aux récentes élections provinciales en Alberta, et ça n'a pas empêché les néo-démocrates de prendre le pouvoir.

«La vérité, c'est que l'argent est très important en campagne, mais ce n'est pas tout», a-t-elle dit.

Les conservateurs ne présentent pas d'excuse pour leur avantage financier. «Les Canadiens donnent plus au Parti conservateur parce que notre leader, Stephen Harper, est le choix évident», a indiqué un porte-parole, Cory Hann.