Le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe annonce qu'il sera présent à Québec durant la campagne électorale, malgré les mauvais résultats du Bloc dans la région au cours des dernières années. À ses yeux, tout y est possible, car la région en est une de perpétuel changement. Et le «mystère Québec»? Ça n'existe pas, affirme-t-il.

«Les gens disent que Québec, c'est de droite, mais ils ont tous élu le NPD», rappelle M. Duceppe, faisant référence à la vague orange de 2011, durant laquelle le NPD (Nouveau parti démocratique) a raflé toutes les circonscriptions de la grande région de Québec, mises à part celles de la Chaudière-Appalaches.

Il rappelle également qu'avant l'arrivée au pouvoir des conservateurs, en 2006, le Bloc québécois menait une chaude lutte aux libéraux pour remporter les circonscriptions de la grande région de Québec. Et le Bloc a gagné la bataille plus d'une fois, souligne M. Duceppe.

«Il ne faut pas se faire de scénarios d'avance. On a des choses à dire, des choses à proposer. On veut démontrer que lorsqu'on était là, on défendait véritablement les intérêts de Québec.»

Il mentionne notamment les requêtes effectuées par le Bloc québécois pour qu'un financement fédéral soit attribué à l'amphithéâtre de Québec. «Le Colisée, on était les seuls, parmi tous les partis, à dire que le gouvernement devrait mettre de l'argent là-dedans.» Il rappelle qu'à l'époque, le projet visait non seulement un éventuel retour d'une équipe de la Ligue nationale de hockey, mais également une candidature olympique pour la ville de Québec.

Le chef du Bloc était de passage à Québec samedi à l'occasion de l'Événement électrifiant, à l'île d'Orléans, durant lequel la population était invitée à aller effectuer l'essai routier d'un véhicule électrique. Il en a profité pour rencontrer une possible candidature bloquiste pour la région, mais refuse pour le moment d'en dire davantage.

Énergie Est

Bien qu'il reste vague sur sa stratégie de campagne, M. Duceppe assure que Québec fera partie de l'échéancier.

Il mentionne toutefois que les régions du Québec, là où historiquement ont été élus la très grande majorité des députés bloquistes au cours de l'histoire du Bloc, seront également très importantes durant sa campagne.

Le Bloc québécois réaffirme être le seul parti qui défend réellement les intérêts des Québécois. En ce sens, Gilles Duceppe donne l'exemple du projet Énergie Est de TransCanada.

«Est-ce que ce pétrole-là va être consommé au Québec? Non. Est-ce qu'il va être raffiné au Québec? Non. Il va transiter par le Québec en passant dans 600 rivières, dont le Saint-Laurent - c'est pas un petit ruisseau ça!»

La position du Bloc québécois sur la question : rien ne devrait pouvoir se faire «tant qu'il n'y a pas un feu vert environnemental, et ça comprend l'acceptabilité sociale et la rentabilité», indique M. Duceppe. «Nous, on dit que c'est le Québec qui va décider de ce qui passe sur son territoire.»

Le chantier Davie

Il mentionne par ailleurs que son parti est le seul «à avoir des positions très claires» sur la question du chantier maritime Davie. «Quand ils ont accordé le contrat pour les frégates à Vancouver et à Halifax [en 2011], le NPD a déclaré : "Great day for Canada! [...] La Davie n'était peut-être pas prête à prendre le contrat de ces deux frégates, mais pouvait prendre des sous-contrats, comme ça avait été fait dans les années 80, [...] permettant un meilleur équilibrage entre les différents chantiers maritimes.» Si le Bloc n'avait pas connu la déconfiture qu'on lui connaît en 2011, «on l'aurait dit», conclut Gilles Duceppe.

Et à propos de cette déconfiture, M. Duceppe précise que c'est maintenant chose du passé. «Oui, on a été battus. Et puis? Le NPD a été battu pendant 50 ans. Ont-ils arrêté? Les conservateurs étaient deux en 1993. Ont-ils arrêté? Non. Pour moi, tant qu'on n'est pas un pays, il importe que partout où on paye des taxes, on ait un mot à dire.»

Le Bloc se défend de diviser le vote

Nombreux sont les électeurs qui craignent que le retour de Gilles Duceppe à la barre du Bloc québécois bénéficie aux conservateurs lors de la prochaine élection en provoquant une division du vote avec le Nouveau parti démocratique (NPD). Duceppe se fait très clair à ce propos : le Bloc n'a pas à porter le fardeau d'une éventuelle défaite néo-démocrate sur ses épaules.

«Pourquoi on devrait s'effacer, oublier qui nous sommes, mettre nos intérêts de côté pour leur permettre de gagner, alors qu'ils ne sont pas capables de faire la job chez eux? Qu'ils la fassent la job, on va faire la nôtre», lance sans détour au Soleil M. Duceppe lorsque questionné sur la possibilité d'une division du vote entre le Bloc et le NPD.

Pour M. Duceppe, si le NPD est défait aux prochaines élections, ce ne sera pas de la faute du Bloc. «Les conservateurs, il y en a cinq au Québec», rappelle-t-il. «Le problème n'est pas ici, il est ailleurs.»

Indigné

Il s'indigne de voir le NPD courtiser les électeurs québécois en affirmant avoir besoin de leur vote pour battre les conservateurs de Stephen Harper. «Ils nous demandent à nous de faire leur job. Ils veulent battre les conservateurs [du Québec] pour être élus, alors qu'ils ne sont pas capables de les battre au Canada.»

«Pourquoi on devrait s'effacer, nous, et pas les autres? On est toujours en train de s'effacer, c'est quoi cette manie-là?»

Un mois après son retour en politique, Gilles Duceppe semble ne pas vouloir faire grand cas des fluctuations dans les intentions de vote des électeurs québécois qui ont suivi l'annonce de son retour.

Récoltant 25 % des voix au lendemain de ladite annonce, selon un sondage CROP, le Bloc québécois avait perdu 6 points de pourcentage moins d'un mois plus tard, selon cette fois un sondage Léger- Le Journal de Montréal.

Au-delà de ces chiffres, Gilles Duceppe se dit confiant pour la suite des choses. «Je pense que le regain va durer. Il s'agit de travailler très fort pour que ça dure.»

«Un coup d'épée électoral»

Gilles Duceppe n'en revient tout simplement pas de la décision de Stephen Harper annoncée vendredi dans laquelle il impose un moratoire sur la nomination de nouveaux sénateurs. «La constitution qu'ils nous ont imposée les bloque de toute intervention. C'est leur constitution! C'est pas la nôtre, on l'a pas signé! Ils ont mis des règles pour qu'on change rien, et là, ils veulent changer le Sénat.» À ses yeux, cette annonce ne mène nulle part, elle est «un coup d'épée électoral». «Ça va être contesté en cour, et s'il ne nommait plus jamais de sénateur, il n'y aurait plus une loi qui pourrait être adoptée parce qu'il faut que ça passe par les deux chambres», dénonce M. Duceppe. «Ils sont pognés avec leur propre constitution.»

Revoir la Loi sur les Indiens

Il est grand temps de «transformer complètement» la Loi sur les Indiens, affirme le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe. «On pourrait s'entendre sur une délégation de pouvoirs» qui serait rendue aux peuples autochtones. À titre d'exemple, il mentionne l'instauration d'un code civil, d'un système de justice réparatrice, et de commissions scolaires propres aux Premières Nations. Par ailleurs, M. Duceppe réclame que les Premières Nations soient reconnues par le Canada comme étant des nations distinctes. «Les conditions idéales pour qu'une telle chose se réalise, c'est que le Québec soit un pays, qui reconnaît que ce sont des nations, et qu'on a tout intérêt à construire un Québec souverain entre nous.»