Les sénateurs conservateurs ont renversé une décision du président de la chambre haute, Leo Housakos, pour s'assurer de l'adoption rapide d'un projet de loi controversé sur la transparence syndicale.

Le bras de fer entourant le projet de loi C-377 s'est poursuivi au Sénat, vendredi, jusqu'à ce que la majorité conservatrice adopte une motion limitant le débat sur la mesure législative.

Les discussions sur l'adoption du projet de loi reprendront lundi après-midi, et le vote en tant que tel devrait avoir lieu mardi en fin de soirée.

Les conservateurs tiennent mordicus à adopter avant la dissolution du Parlement cette mesure législative d'initiative parlementaire qui obligerait les syndicats de travailleurs à rendre publiques leurs dépenses.

Les tactiques employées par la majorité conservatrice pour en arriver à ses fins ont subjugué le leader de l'opposition libérale au Sénat, James Cowan, ainsi que son collègue Serge Joyal.

Selon le sénateur libéral, la majorité conservatrice est prête «à faire fi de toutes les règles pour imposer un projet de loi (...) anticonstitutionnel» - même si cela l'oblige à adopter «une motion de censure contre son propre président», a-t-il déploré.

Tout cela, pour un projet de loi que «sept provinces canadiennes vont attaquer devant les tribunaux» et que «tous les syndicats au Canada dénoncent», a soutenu M. Joyal en point de presse dans le foyer du Sénat, vendredi.

Dissidente, la sénatrice conservatrice Diane Bellemare a voté avec les libéraux en défaveur de la motion qui renversait la décision du président Housakos.

Car il était de son «devoir» de continuer à discuter d'un projet de loi avec lequel «le Québec n'est pas d'accord» et qui n'a pas été suffisamment bien ficelé, a-t-elle plaidé.

«On n'est pas là pour faire de l'obstruction au gouvernement», a insisté Mme Bellemare en mêlée de presse.

«Mais dans le contexte des projets de loi de membres individuels, ils n'ont pas la même rigueur, ils n'ont pas été préparés avec la même rigueur», a fait valoir celle qui a été applaudie par les libéraux lorsqu'elle a voté avec eux.

Le leader du gouvernement au Sénat, Claude Carignan, estime pour sa part que la population appuie l'idée d'imposer aux syndicats davantage de transparence.

«Chaque Québécois, chaque Canadien, quand je lui demande s'il est en faveur que les syndicats publient leurs dépenses et qu'ils démontrent plus de transparence, tout le monde me dit oui», a-t-il affirmé.

Et cela est «particulièrement» vrai au Québec, a ajouté M. Carignan.

La démarche des sénateurs conservateurs a été jugée nécessaire par le ministre d'État à la Petite entreprise, Maxime Bernier, qui souhaite l'adoption du projet de loi.

Et celui-ci n'est pas antisyndical, comme le soutiennent ses détracteurs, mais bien «pro-syndiqué», a lancé le député beauceron en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Selon M. Bernier, les travailleurs qui paient leurs cotisations l'appuient, car ils veulent savoir «ce que les chefs syndicaux font avec cet argent-là».

L'opposition à C-377 viendrait plutôt de ces derniers, à son avis: «Moi, je trouve un peu bizarre l'acharnement des chefs syndicaux contre la transparence. Ils ont certainement quelque chose à cacher.»

Pour le leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique (NPD), le député Peter Julian, les propos du ministre Bernier témoignent de sa méconnaissance du mouvement syndical.

«C'est un projet de loi qui est néfaste pour les travailleurs syndiqués, il n'y a aucun doute», a-t-il tranché en entrevue téléphonique depuis la Colombie-Britannique.

Et les tractations partisanes qui ont eu cours vendredi au Sénat confortent le néo-démocrate dans sa conviction que l'institution doit être abolie, comme son parti promet de le faire.

«Ça démontre encore une fois l'inutilité du Sénat. Au lieu de regarder le projet de loi, le Sénat fait exactement ce que M. Harper veut», a déploré M. Julian.

Un avis que ne partage évidemment pas la sénatrice Diane Bellemare: «Le Sénat, c'est une institution importante dans un Parlement comme celui du Canada (...) Il faut s'assurer que les lois fédérales respectent les droits et les pouvoirs des provinces», a-t-elle dit.

«On est là comme chambre complémentaire, pour aider le gouvernement dans sa législation», a ajouté la sénatrice conservatrice qui a rompu les rangs, vendredi.

Les sénateurs libéraux se disaient prêts à continuer à débattre de C-377 jusqu'à ce que le Parlement soit dissous pour les élections générales cet automne, si nécessaire.