Faisant face à des sondages qui laissaient présager un avenir sombre pour le Bloc québécois sous sa gouverne, Mario Beaulieu a jugé préférable de céder sa place à l'ancien chef Gilles Duceppe à quatre mois des élections fédérales. Malgré sa longue expérience, M. Duceppe aura plusieurs défis à relever à la tête de la formation souverainiste qui ne compte plus que deux députés à la Chambre des communes.

1. L'argent

Le Bloc québécois n'a pas de dette électorale, mais il ne roule plus sur l'or depuis que le gouvernement Harper a aboli la subvention de l'État aux partis politiques. Le Bloc dispose d'une cagnotte d'environ 2,5 millions de dollars à l'heure actuelle pour mener la prochaine campagne électorale. L'argent est le nerf de la guerre durant une campagne. Le parti songe à emprunter 500 000 $ d'une institution financière, ce qui lui donnerait un budget de 3 millions pour les élections du 19 octobre. En 2011, le Bloc disposait d'une somme de 5,7 millions de dollars, soit presque le double, pour sillonner le Québec.

2. La pertinence

« À quoi sert le Bloc ? » Plusieurs électeurs se sont posé cette question aux élections de 2011, ce qui a contribué largement à la déroute du parti aux dépens du NPD. Ils se poseront à nouveau cette question. Le Bloc québécois n'a élu que quatre députés au dernier scrutin. Gilles Duceppe a été battu dans sa propre circonscription. De retour à la tête du Bloc, qu'il a mené de 1997 à 2011, M. Duceppe devra expliquer comment son parti peut tirer son épingle du jeu au moment où le NPD s'enracine au Québec et peut raisonnablement aspirer à prendre le pouvoir à Ottawa aux prochaines élections.

3. Le recrutement de candidats

De toutes les formations politiques, le Bloc québécois est celui qui accuse le plus grand retard dans la sélection de candidats. En tout, des candidats ont été désignés dans à peine 26 circonscriptions, soit environ le tiers des 78 circonscriptions que comptera le Québec aux Communes aux prochaines élections. Le Parti conservateur, le NPD et le Parti libéral sont nettement plus avancés à cet égard. Ils ont chacun moins d'une vingtaine de circonscriptions à combler. Parmi les candidats bloquistes choisis, plusieurs militent pour Option nationale sur la scène provinciale et préconisent donc la ligne dure sur la question de l'indépendance du Québec.

4. Ramener les brebis égarées

Sous la gouverne de Mario Beaulieu, deux députés qui avaient survécu à la vague orange ont quitté le Bloc québécois. Le député André Bellavance, qui a mordu la poussière aux mains de M. Beaulieu durant la course à la direction en 2014, a claqué la porte pour siéger comme indépendant parce qu'il était en désaccord avec la position intransigeante du nouveau chef sur l'indépendance du Québec. M. Bellavance a déjà annoncé qu'il ne serait pas candidat aux prochaines élections. Le député Jean-François Fortin a aussi quitté la formation souverainiste pour fonder, avec un transfuge du NPD, Jean-François Larose, un nouveau parti, Forces et Démocratie. M. Duceppe pourra-t-il convaincre ceux qui ont quitté le Bloc de revenir au bercail ?

5. Le temps

Changer de chef à quelques mois des élections fédérales n'est pas une mince affaire pour une formation politique. Surtout quand cette formation politique est à la traîne dans les sondages depuis plusieurs mois. Le dernier coup de sonde de CROP du mois de mai n'accordait que 13 % au Bloc québécois, loin derrière le NPD qui obtenait 42 %. Le Parti libéral obtenait pour sa part 25 % et le Parti conservateur arrivait troisième avec 15 %. Chez les francophones, le Bloc ne récoltait plus que 15 % - un creux historique. Un coup de barre était donc nécessaire pour éviter la disparition du Bloc. Gilles Duceppe, qui aura 68 ans le 22 juillet, n'aura que quatre mois pour remettre le parti sur ses rails.