À ceux qui critiquent les «amendements rétroactifs» apportés par le gouvernement Harper aux lois et règlements afin de mettre à l'abri la Gendarmerie royale du Canada (GRC) contre toute poursuite, le ministre Tony Clement répond qu'il ne faut pas couper les cheveux en quatre.

Dans son volumineux projet de loi omnibus de mise en oeuvre du budget, le gouvernement conservateur a glissé des amendements, rétroactifs à octobre 2011, aux lois sur l'accès à l'information et sur les renseignements personnels. Ainsi, il ne serait plus possible de poursuivre des agents de la GRC qui auraient détruit des documents du registre des armes d'épaule avant même que le Parlement n'adopte officiellement son abolition l'année suivante.

Mais selon le président du Conseil du trésor, Tony Clement, puisque le gouvernement a éventuellement adopté une loi pour abolir le registre, le reste ne constitue qu'arguties avocassières.

Dans un rapport spécial accablant déposé il y a deux semaines, la commissaire à l'information du Canada, Suzanne Legault, qualifiait plutôt la manoeuvre du gouvernement de «précédent dangereux contre le droit quasi constitutionnel des Canadiens à l'information», et elle s'est adressée à la Cour fédérale pour contrer l'initiative.

Selon Mme Legault, ce genre d'amendement rétroactif va bien au-delà du simple registre des armes d'épaule. «On pourrait par exemple faire la même chose à la suite d'une enquête sur une présumée fraude électorale: on efface l'infraction rétroactivement», suggérait-elle en entrevue. Ou encore: le gouvernement libéral aurait pu suspendre les pouvoirs d'enquête de la vérificatrice générale au coeur même du scandale des commandites.

Mme Legault avait recommandé en mars dernier au procureur général d'ouvrir une enquête sur la destruction par la GRC de documents qui faisaient l'objet d'une demande d'accès à l'information. Le gouvernement Harper a préféré réécrire rétroactivement les lois, en datant les amendements du jour où le projet de loi sur l'abolition du registre a été déposé aux Communes. La destruction des documents après ce jour ne devient plus, dès lors, illégale, même si les amendements sont déposés par la suite.

Ces amendements sont contenus dans un projet de loi omnibus de 172 pages qui sera adopté à toute vapeur aux Communes avant l'ajournement d'été - sans étude en comités, comme c'est le cas pour tous les projets de loi de mise en oeuvre du budget.

Entretemps, la Police provinciale de l'Ontario a ouvert son enquête sur la destruction présumée de documents du registre au moment où cela était encore illégal.

M. Clement, qui est aussi responsable de l'application de la Loi sur l'accès à l'information, a rejeté du revers de la main les inquiétudes de la commissaire Legault, et ne voit pas dans ce geste un précédent. «Écoutez, le Parlement a adopté une loi. Cette loi adoptée par le Parlement prévoit que le registre n'existe plus», a-t-il soutenu mercredi, à l'issue de la réunion hebdomadaire du caucus conservateur, à Ottawa.

Et à ceux qui accusent le gouvernement conservateur de vouloir réécrire l'histoire, M. Clement réplique qu'il ne faut pas «couper les cheveux en quatre - ce qu'aiment bien faire les avocats, comme Mme Legault».

«La souveraineté du Parlement prime dans ce cas», a estimé l'ancien avocat.