Un soir, une semaine avant les élections en Alberta, la chef néo-démocrate Rachel Notley a su qu'elle mettrait fin au long règne des progressistes-conservateurs et qu'elle deviendrait la 17e première ministre de la province. Cette révélation l'a frappée comme un coup de poing à l'estomac.

La politicienne était dans une chambre d'hôtel à Calgary ou à Lethbridge - elle ne se souvient plus - quand elle a pris connaissance d'un sondage qui plaçait l'équipe néo-démocrate loin devant les autres partis. Ses conseillers lui avaient transmis le document plusieurs heures auparavant, mais elle n'avait pas encore eu le temps de l'analyser.

«J'ai soudainement réalisé que cela pouvait arriver, raconte-t-elle à La Presse Canadienne. Mon estomac est devenu très douloureux et j'ai dit: »Oh mon Dieu. Nous avons tellement à faire.«»

Rachel Notley se souvient d'avoir arpenté sa suite vide en long et en large en se demandant quoi faire, car le plan initial était de travailler 18 heures par jour au cours de la dernière semaine de campagne, puis de s'effondrer de fatigue le jour du scrutin. Sauf qu'à ce rythme, elle s'est mise à craindre qu'au lendemain du vote, le Canada se réveille avec l'image d'une nouvelle première ministre albertaine exténuée cognant des clous sur scène au moment de son discours de victoire.

Elle a donc pris le téléphone pour demander conseil à son mari, Lou Arab. Elle se souvient que celui-ci lui a dit de «parler à son équipe». La politicienne a par la suite contacté son directeur de campagne, Gerry Scott, pour lui dire que l'équipe «devait annuler un paquet d'évènements et commencer à planifier la transition».

Puis, quatre jours avant le vote, cinq dirigeants d'entreprises associés au Parti progressiste-conservateur ont tenu une conférence de presse à Edmonton pour mettre en garde contre les néo-démocrates et déplorer que les entreprises soient toujours surtaxées. Mme Notley se souvient d'avoir regardé ces entrepreneurs - qu'elle a surnommés les «Monopoly Men» - et d'avoir réalisé à quel point les conservateurs avaient mal compris l'électorat albertain.

Finalement, le soir des élections, Rachel Notley, sa famille et ses conseillers se sont réunis dans une chambre d'Edmonton alors que ses partisans, tout d'orange vêtus, se sont rassemblés dans une des salles de l'hôtel. En révisant son discours, elle a décidé de déplacer l'hommage à ses parents décédés - son père, Grant Notley, a été chef du NPD albertain de 1968 jusqu'à sa mort en 1984 - à la toute fin. «Comme ça, si ma voix s'étranglait, le discours était terminé», explique-t-elle.

Quand elle a ouvert la porte de sa chambre d'hôtel, deux gardes du corps en complet l'attendaient, symboles de la nouvelle vie qui s'offrirait à elle une fois ce seuil franchi. La politicienne l'a enjambé et tous se sont dirigés vers l'étage inférieur, où sa victoire était célébrée.