Quand un populaire maire québécois a annoncé récemment qu'il se portait candidat pour le Parti conservateur aux élections fédérales qui auront lieu à l'automne, le rassemblement comprenait 20 des 23 maires de la région.

Selon Alain Rayes, cela montre qu'il est maintenant moins tabou, dans certaines régions du Québec, de s'afficher publiquement en faveur des conservateurs de Stephen Harper.

« Je peux vous dire que sur le terrain, il y a une volonté, a déclaré le maire de Victoriaville en entrevue avec La Presse Canadienne. Vingt des 23 maires étaient présents (...). C'est la preuve qu'ils représentent aussi un peu leurs citoyens, d'une certaine façon. Ils ont été prêts à prendre le risque d'être vus à côté de leur candidat ici. »

Cette ville du centre du Québec, située à environ 150 kilomètres de Montréal, se trouve dans la circonscription de Richmond-Arthabaska, qu'avait remportée le Bloc québécois en 2011. André Bellavance a, depuis, quitté le parti indépendantiste et siège à titre d'indépendant. Il a déjà annoncé qu'il ne sera pas candidat à sa réélection en 2015.

L'appui envers le Parti conservateur augmente dans certaines régions historiquement plus conservatrices de la province, si l'on en croit de récents sondages, qui montrent que le parti de M. Harper pourrait dépasser, et de loin, les cinq sièges obtenus au Québec lors des élections de 2011.

M. Reyes estime que cette ascension des conservateurs dans la province est la preuve que « les Québécois veulent de plus en plus un siège à la table au lieu de crier dans les estrades ».

L'ancien leader de la Coalition avenir Québec à l'Assemblée générale, Gérard Deltell, est lui aussi une recrue du parti de Stephen Harper. Il estime que la hausse des appuis au Parti conservateur est attribuable aux baisses de taxes et d'impôts accordées par le gouvernement Harper et à la performance du parti en matière d'économie et de sécurité.

« Les conservateurs peuvent recruter ces gens qui sont des candidats de la base - ceux qui sont bien implantés dans leur communauté », a déclaré M. Deltell, qui démissionné de son poste de député de Chauveau au début du mois d'avril.

Jean Pelletier, qui a dirigé pendant des années le Carnaval de Québec, est un autre candidat bien en vue du Parti conservateur dans la province.

MM. Rayes, Deltell et d'autres militants du parti affirment que celui qui a attiré ces candidats vedettes et expliqué le message des conservateurs au Québec est Denis Lebel, le lieutenant de Stephen Harper dans la province.

« Je vous dirais que présentement, le "mood" est intéressant à la grandeur de la province, affirme M. Lebel. Évidemment, le seul sondage véritable, c'est celui du jour des élections, mais on sent (...) plus d'ouverture sur le terrain dans des régions où l'accueil était un peu différent auparavant. Donc tout est possible dans plusieurs régions du Québec. »

M. Lebel a parcouru la province à la fin de l'été dernier pour rencontrer les électeurs et tenter de les convaincre de voter pour les conservateurs.

Il sait que les Québécois votent souvent par vagues. En 1984, Brian Mulroney s'est hissé au pouvoir en partie grâce à ses victoires dans 58 des 75 circonscriptions de la province. Il a répété son exploit en 1988 en raflant 63 sièges.

Le plus récent exemple s'est produit en 2011 avec la « vague orange », quand le populaire chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l'époque, Jack Layton, a permis à son parti de remporter 59 sièges au Québec.

Avant la tournée estivale de Denis Lebel en 2014, les conservateurs obtenaient environ 12 pour cent des intentions de vote des Québécois, selon les sondages. Aujourd'hui, selon l'agrégateur de sondages TreeHundredEight.com, les conservateurs récoltent environ 21 pour cent des intentions de vote et pourraient remporter plus de 20 sièges au Québec.

Les conservateurs comptent présentement cinq députés au Québec, dont quatre qui sont membres du Cabinet.

Les sondages actuels suggèrent que les conservateurs sont de plus en plus populaires dans la région de Québec et dans un rayon d'environ 200 kilomètres au nord et au sud de la Vieille Capitale.

Tandis que les conservateurs croient que cette popularité grandissante s'explique par les politiques du parti qui plaisent à de nombreux citoyens de la province, certains Québécois pensent plutôt que ce sont les candidats pris individuellement qui pourraient les convaincre de voter conservateur.

Jean Marcotte, directeur du cabinet comptable Roy Desrochers Lambert à Victoriaville, affirme qu'il était autrefois souverainiste, mais que cette fois-ci, il votera pour le Parti conservateur grâce à M. Reyes, même s'il n'est pas lui-même un partisan conservateur.

« Si M. Rayes avait choisi les libéraux ou le Bloc, on l'aurait suivi », a-t-il affirmé à La Presse Canadienne.

Le responsable des communications du NPD pour le Québec, Marc-André Viau, estime que les conservateurs ont un gros désavantage au Québec, même s'il dit apprécier la façon dont ils se battent pour obtenir plus de sièges dans la province.

« Je sais qu'ils poussent fort pour avoir des candidats vedettes - ou ceux qu'ils estiment être des candidats vedettes, a-t-il déclaré. Mais quand on dit aux électeurs qu'un vote pour un soi-disant candidat vedette est un vote pour Stephen Harper, ils y pensent deux fois, parce que M. Harper n'est pas populaire au Québec, contrairement au chef du NPD, Thomas Mulcair. »

À Daveluyville, près de Victoriaville, le jeune maire Antoine Tardif, âgé de 25 ans, affirme que le plus important dans le fait de voter conservateur n'est pas d'appuyer Stephen Harper, mais de gagner de l'influence. Selon lui, les Québécois voient de plus en plus les conservateurs comme le parti qui leur donnera le plus de chances de faire partie du gouvernement.

« Les Québécois seront tentés de voter conservateur. Nous voulons avoir un siège à la table pour influencer les choses. »

De son côté, Louis Plamondon, l'un des deux seuls députés restants du Bloc québécois, n'est pas aussi convaincu de la ferveur des Québécois envers le Parti conservateur. Il affirme que les Québécois en ont vu d'autres avec les libéraux de Pierre Elliott Trudeau et les conservateurs de Brian Mulroney.

« On a déjà joué dans ce film-là, on a déjà été à la table avec Trudeau, et regardez ce que ça nous a donné. Et on a été à la table avec Mulroney, et ils ont essayé de nous passer l'entente de Charlottetown qui était complètement néfaste pour le Québec », a-t-il rappelé.

« On a essayé le Parti libéral, on a essayé le Parti conservateur, on a essayé le NPD... Chaque fois qu'ils ont à choisir entre les intérêts du Québec et les intérêts du Canada, ils votent pour les intérêts du Canada. (...) Les Québécois s'ennuient d'un parti fort qui défend les intérêts du Québec et qui gagne pour le Québec. »