Au moins trois membres du cabinet du gouvernement Harper, ainsi que des députés libéraux, se prononcent en faveur du maintien de la prière qui est récitée avant chaque séance à la Chambre des communes.

«Cette prière est pour toutes les religions. Ce n'est pas une prière spécifique à une religion; elle invite à un moment de recueillement et de réflexion personnels, et je pense que c'est approprié», a exposé le ministre de la Justice, Peter MacKay,@ avant le début de la période des questions, lundi.

Le statu quo est aussi l'option privilégiée par Maxime Bernier, ministre d'État à la Petite Entreprise. «Ça fait référence aux convictions de chacun des membres de la Chambre des communes, et moi, je crois que ça doit rester», a-t-il affirmé en mêlée de presse.

Quant à la ministre des Transports Lisa Raitt, elle a expliqué à la presse parlementaire qu'«à titre de catholique pratiquante», elle appréciait le «moment de réflexion» que permet la récitation du texte.

Leur collègue ontarien Parm Gill s'est montré autrement plus enthousiaste. Il estime qu'on ne pouvait pécher par excès de zèle à ce chapitre: «Peu importe l'endroit, nous devions prier dès que nous en avons l'occasion», a-t-il fait valoir.

Les députés étaient de retour au Parlement quelques jours après que la Cour suprême du Canada eut sommé le maire de Saguenay, Jean Tremblay, de cesser de prononcer publiquement une prière à l'ouverture des séances du conseil municipal.

Le plus haut tribunal au pays ne s'est cependant pas prononcé sur la récitation de la prière à la Chambre des communes, qui se fait derrière des portes closes. Dans leur décision unanime, les juges ont écrit qu'«il est possible que la prière de la Chambre soit soumise au privilège parlementaire».

Mais cela ne devrait pas empêcher pour autant les députés fédéraux d'étudier la question, d'après le libéral John McKay, qui se présente comme un catholique pratiquant.

«Si nous devons être une société pluraliste où l'on respecte les points de vue de chacun - tant confessionnels que non confessionnels -, je pense que nous devons (en discuter)», a-t-il laissé tomber en mêlée de presse avant la période des questions.

«Personnellement, ma préférence serait de la maintenir, mais je comprends l'autre point de vue aussi», a spécifié John McKay.

Le député libéral Marc Garneau est aussi en faveur de la poursuite d'une tradition qui ne brime personne, selon lui. «Les gens, je pense, interprètent ça comme un moment de réflexion», a-t-il analysé.

La semaine dernière, le bureau du chef parlementaire du Nouveau Parti démocratique (NPD) s'est adressé au bureau du président de la Chambre des communes, Andrew Scheer, pour lui demander de se prononcer sur les impacts que pourrait avoir le jugement à Ottawa.

«Le Règlement (de la Chambre) ordonne au président de faire la lecture de la prière au début de chaque séance» et cela ne peut être modifié «qu'à la suite d'une décision de la Chambre, prise soit par consensus, soit par un vote à la majorité simple sur une motion présentée par un député», a-t-on fait remarquer au bureau de M. Scheer, lundi.

Le texte de la prière a été modifié en 1994 pour tenir davantage compte des différents cultes pratiqués au Canada.

L'ancien comptait près de 400 mots, commençait ainsi: «Ô Seigneur!, notre Père Céleste, Haut et Puissant, Roi des rois, Seigneur des seigneurs, le seul Souverain des princes, qui contemplez de Votre trône tous les habitants de la terre» et se terminait avec le Notre Père.

Celui que lit maintenant le président de la Chambre a moins de 100 mots et comporte moins de références au christianisme, mais il s'amorce avec les mots «Dieu tout-puissant».

Il fait donc allusion aux trois grandes religions monothéistes - judaïsme, christianisme et islam - et pourrait ainsi offenser des élus pratiquant des religions polythéistes comme l'hindouisme, fait remarquer la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May.

«Et ça exclut aussi les athées ou les agnostiques», a-t-elle souligné.

«Aucune prière à la Chambre des communes n'est appropriée si un député se sent exclu; alors nous devrions opérer une transition vers une minute de silence», a plaidé Mme May.

«Personnellement, comme catholique pratiquante, j'ai apprécié le moment de prière du président de la Chambre, mais franchement, ça ne devrait pas brimer les autres députés et leur donner l'impression d'être des élus de seconde zone», a poursuivi l'élue.