À quelques jours de la présentation du budget fédéral, les organismes d'aide internationale sont peu optimistes sur les sommes qui leur seront versées après des années de compressions et de gels.

Ils espèrent avoir tort, mais il est peu probable selon eux que le gouvernement acceptera d'augmenter leurs budgets, puisqu'il ne s'agit pas d'un enjeu «rentable» en période pré-électorale.

Les conservateurs ont imposé un gel de cinq ans aux dépenses en aide internationale - censé se terminer en 2015 -, en plus de les avoir amputées de 378 millions $ en 2012. Les organismes attendaient donc de pied ferme la fin du gel.

Caroline Marrs, directrice des programmes en matière d'égalité entre les sexes chez Oxfam Canada, croit que le gouvernement dispose d'assez de revenus pour hausser les budgets des organisations, mais elle n'est vraiment pas certaine qu'il aura la volonté de le faire.

Selon un autre responsable d'une organisation d'aide internationale qui a requis l'anonymat pour ne pas se faire accuser d'avoir critiqué le gouvernement, les élections prévues en octobre changent la donne, surtout avec la faible marge de manoeuvre du ministre des Finances étant donné la chute des prix du pétrole.

Le premier ministre Stephen Harper s'est déjà engagé à verser 3,5 millions $ pour la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants - ce qui signifie que des sommes seront réservées à ces problématiques précises. Le premier ministre canadien souhaite ainsi diminuer le nombre de décès d'enfants et de mères d'ici à 2020. Son plan avait été louangé par la communauté internationale.

Or, selon le dernier rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les dépenses du Canada en aide internationale sont à leur plus bas depuis plus de dix ans. Les budgets sont passés de 0,27 pour cent du produit intérieur brut (PIB) en 2013 à 0,24 pour cent l'année suivante.

Le Directeur parlementaire du budget a par ailleurs documenté l'«expiration» des budgets dévolus à l'aide internationale qui, lorsqu'ils ne sont pas utilisés lors d'une année financière, sont renvoyés au Trésor pour combler le déficit.

Est-ce le résultat de l'incompétence des fonctionnaires ou plutôt un moyen pour le gouvernement fédéral d'économiser plus d'argent? «Ce pourrait être une stratégie directrice et Dieu sait que c'est arrivé dans d'autres ministères, comme celui des Anciens combattants (1 milliard $ avait été redonné au Conseil du trésor)», a remarqué Mme Marrs.

«Ce n'est pas responsable - le budget, lorsqu'il est adopté au Parlement, est une sorte de contrat avec les Canadiens. Quand les fonds ne sont pas là, ce contrat est brisé. Et cela va à l'encontre des engagements du Canada envers l'OCDE», a-t-elle ajouté.

Le porte-parole du ministre du Développement international Christian Paradis a indiqué qu'il n'était pas au courant des dépenses prévues pour le ministère dans le budget qui sera présenté mardi.

Le Canada veut unir les donateurs d'une même cause

Le Canada voudrait permettre à des étrangers intéressés aux mêmes causes liées au développement international de mettre leurs forces en commun à l'aide d'un nouveau site Internet.

À l'instar des sites de rencontre, le projet du gouvernement fédéral aiderait des étrangers partageant les mêmes intérêts à élaborer leurs projets ensemble.

Le ministre du Développement international, Christian Paradis, a exposé son plan cette semaine à l'occasion des réunions de printemps du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

Le gouvernement Harper souhaite ainsi arrimer les politiques gouvernementales aux projets du secteur privé, ce qui pourrait lui apporter des bénéfices économiques à long terme.

Par exemple, lorsqu'une entreprise minière ouvre une mine, le gouvernement construit les infrastructures autour et les organisations non gouvernementales aident la communauté à développer des projets pour qu'elle devienne autosuffisante, a expliqué le ministre Paradis en entrevue.

Cette nouvelle plateforme en ligne permettra aux différents intervenants de se retrouver dans le but de «structurer les investissements» et «former des partenariats». Ce «marché en ligne» servirait «d'accélérateur» pour des modèles de développement innovants, selon M. Paradis.

Cependant, ce n'est pas ce site Internet qui déterminera les politiques gouvernementales, a nuancé le ministre.

Le gouvernement espère pouvoir faire une démonstration de son nouvel outil à la Conférence sur le financement du développement, qui aura lieu en Éthiopie, cet été. Les pays tenteront lors de ce sommet de trouver de nouveaux modèles de développement, alors que les Objectifs du millénaire pour le développement des Nations unies viennent à échéance cette année.

Une version plus complète du projet pourrait être présentée l'hiver prochain au Forum économique mondial de Davos - l'un des partenaires du projet avec la firme de conseils Dalberg et le Global Development Incubator. L'entreprise MasterCard et la fondation du milliardaire Bill Gates y ont aussi contribué de façon informelle.

Les différents partenaires veulent notamment créer une organisation sans but lucratif qui distribuerait les abonnements au site - un peu à la manière du site MERX, où les entrepreneurs peuvent présenter publiquement des soumissions aux agences et aux ministères gouvernementaux.

Le ministre Paradis estime qu'une telle initiative est nécessaire pour que les intervenants cessent d'agir en «vase clos». «Que faire pour adopter une approche plus coordonnée? Il faut partager l'information et je crois que nous avons besoin d'une plateforme comme celle-ci pour y arriver», a-t-il soutenu.

Le patron d'une entreprise de gestion des actifs présent à l'événement de la Banque mondiale, vendredi, s'est réjoui que le gouvernement veuille inclure le secteur privé dans la planification de l'aide internationale.

«Nous allons créer plus d'emplois que tous vos budgets pourront le faire», a affirmé Gerhard Pries, de Sarona Asset Management, devant les nombreux ministres présents.