Les coûts de la mission canadienne en Irak pourraient s'élever à 351 millions de dollars sur 12 mois, selon le directeur parlementaire du budget, Jean-Denis Fréchette.

M. Fréchette a présenté une évaluation approximative des coûts de la mission mardi matin, tout en dénonçant le manque de collaboration de la Défense nationale.

Selon le DPB, ces coûts se situeraient entre 166 et 129 millions pour une mission de six mois,  soit la durée prévue dans le mandat adopté à la Chambre des communes.

Or, « tout indique que la mission sera prolongée, au-delà du 7 avril 2015 », a écrit M. Fréchette dans son rapport de 26 pages.

Répondant à une requête présentée par deux députés de l'opposition, ce fonctionnaire chargé d'aider les parlementaires à voir plus clair dans les dépenses du gouvernement a donc aussi fait les calculs pour un horizon d'un an.

Les coûts d'une telle mission de 12 mois se situeraient entre 243 à 351 millions, croit M. Fréchette. L'estimation est basée sur les coûts différentiels, « c'est-à-dire des coûts qui n'auraient pas été engagés si la mission n'avait pas eu lieu ».

Refus de fournir des renseignements

Le rapport note qu'« à maintes reprises, le directeur parlementaire du budget a demandé des renseignements au ministère de la Défense pour faciliter son analyse. [...] Mais il a refusé les demandes de données précises sur l'opération Impact ».

« Plusieurs de ces refus semblent violer les obligations juridiques du Ministère prévues à la loi sur le Parlement du Canada », a écrit le DPB.

Dans les circonstances, « le manque de renseignements [...] fait en sorte que le DPB n'avait d'autre choix, dans bien des cas, que d'extrapoler à partir de données de missions et d'opérations antérieures. Tout cela crée une grande part d'incertitude ».

Évaluation du gouvernement

Cette évaluation du DPB s'apparente néanmoins à celle présentée par le nouveau ministre de la Défense, Jason Kenney, lundi soir.

Après avoir refusé pendant plusieurs mois de dévoiler les coûts de cette mission militaire, le gouvernement Harper a finalement rendu une évaluation publique en soirée, la veille de la publication du rapport du DPB.

Selon la Défense nationale, ces coûts s'élèveraient à 122 millions depuis le début de la mission.

« Les coûts seront éventuellement plus élevés que cela, mais le montant dépendra de l'éventuelle décision de mettre fin à la mission ou de la prolonger à la fin du mois de mars », a déclaré le ministre Kenney.

Jean-Denis Fréchette a qualifié de « loufoque » et « bizarre » le moment choisi par le gouvernement pour rendre ces informations publiques. Ces chiffres « soulèvent plus de questions qu'autre chose », a-t-il indiqué.

Une évaluation plus complète devrait être déposée par le gouvernement au Parlement cette semaine.

Changement législatif demandé

« Les Canadiens ne peuvent simplement pas faire confiance aux conservateurs : ils ne sont pas honnêtes quant à cette opération coûteuse », a réagi le NPD par voie de communiqué.

« Nous avons un gouvernement qui n'est pas transparent », a quant à elle dénoncé Joyce Murray, l'une des députés qui ont demandé au DPB de se pencher sur la question des coûts de la mission militaire canadienne.

« C'est inacceptable, a-t-elle ajouté. Les Canadiens ont le droit de savoir ce qu'ils paient pour cette mission. »

Mme Murray n'a toutefois pas immédiatement exprimé l'appui de son parti à une demande formulée par le DPB de clarifier ses pouvoirs dans la loi. Selon elle, le problème relève davantage du manque de transparence du gouvernement Harper.

En point de presse, M. Fréchette a réclamé un tel changement législatif pour énoncer plus clairement ses pouvoirs d'exiger la communication de certains renseignements par le gouvernement.

Ce n'est pas la première fois que le DPB se bute au refus de l'appareil fédéral d'obtenir de tels renseignements et les affrontements ont même mené à des recours devant les tribunaux.

Mais de tels litiges grugent des ressources qui ne peuvent être allouées au travail d'informer les parlementaires, a-t-il noté.

« Ce rapport-là est la quintessence de toute la problématique qui relève de la législation. La législation donne le droit au DPB de demander des informations gratuitement et en temps opportun. Or, une fois que la demande a été faite, il n'y a pas de recours dans la législation qui force un ministère à donner cette information », a précisé Jean-Denis Fréchette.

Près de 500 sorties

Les opérations canadiennes ont commencé au mois d'août avec la livraison par des aéronefs du Canada de livraison de matériel à ses alliés.

Le 7 octobre la Chambre des communes a adopté une résolution appuyant des frappes aériennes pendant six mois. Cette résolution « notait que le gouvernement du Canada ne déploierait pas de militaires dans le cadre de combat terrestre », a souligné le DPB.

En tout, 600 militaires ont été déployés pour soutenir cette force opérationnelle déployée au Koweït pour mener des frappes aériennes en Irak aux côtés de la coalition dirigée par les États-Unis. Six avions de chasse CF-18 participent aux opérations, en plus de deux avions de surveillance CC-140 Aurora et un appareil de ravitaillement en vol C-150T.

Les appareils canadiens ont effectué environ 500 sorties depuis octobre, dont 320 par les CF-18.