Prenez un échantillon au hasard, par exemple les 20 dernières réponses de Rob Nicholson à la période de questions. Pas un mot, pas une syllabe ne s'écarte du message du gouvernement, suscitant souvent une contre-attaque de l'opposition, du genre: «Le NPD a voté contre.» C'est le cas pour 9 des 20 dernières réponses, pour être exact.

C'est bien Rob Nicholson, l'homme que le premier ministre Harper a choisi pour devenir son ministre des Affaires étrangères lundi.

«Jamais d'intervention enflammée, même en Chambre... C'est un gars qui est drabe. Même en caucus, il était plate à entendre parler. Dans ses réponses encore aujourd'hui, on ne peut pas dire que c'est un ministre qui est flamboyant», dit le doyen de la Chambre des communes, Louis Plamondon.

Le député du Bloc québécois a siégé avec M. Nicholson dans le caucus progressiste-conservateur de Brian Mulroney dans les années 80, avant de claquer la porte du parti 10 ans plus tard dans la foulée de l'échec de l'accord du lac Meech.

Mais pour le gouvernement, ces caractéristiques sont perçues comme une marque de discipline exemplaire. «Il sait quelles portes ouvrir ou laisser fermées... C'est très précieux pour un parti au pouvoir», note une source conservatrice.

Amis et adversaires en conviennent: face à la démission-surprise de son ministre des Affaires étrangères, John Baird, Stephen Harper a fait le choix prudent de désigner l'un de ses plus fidèles soldats pour prendre en charge ce ministère névralgique à sept mois des prochaines élections.

Rob Nicholson est l'un des députés les plus expérimentés du gouvernement Harper. Il a représenté la circonscription de Niagara Falls dans le gouvernement Mulroney de 1984 à 1993. Puis, après s'être remis au droit à Niagara et tâté un peu de politique municipale, il a été réélu en 2004 sous la bannière du nouveau Parti conservateur.

Stephen Harper lui a rapidement confié des responsabilités importantes. Il est devenu whip en chef de l'opposition quelques mois après les élections, puis, lorsque le parti a été porté au pouvoir en 2006, il a été le premier leader du gouvernement conservateur à la Chambre des communes. Moins d'un an plus tard, il succédait à Vic Toews à la Justice, conservant le poste pendant six ans et demi avant de faire le saut à la Défense à l'été 2013.

Son arrivée aux Affaires étrangères a été accueillie par une pluie de critiques en raison du fait qu'il ne parle pas - ou très peu - français. Plusieurs ont souligné que le chef de la diplomatie d'un pays officiellement bilingue devrait parler... la langue de la diplomatie.

Le ministre n'était pas disponible pour une entrevue. Mais un ami de longue date et ancien adjoint politique de 1986 à 1993 affirme que ce n'est pas par manque d'intérêt qu'il ne maîtrise pas les deux langues officielles.

«Ce n'est pas faute d'avoir essayé», explique Kevin Macintosh. Je me souviens que lorsque nous étions sur la Colline à la fin des années 1980, il suivait des leçons dans son bureau, ajoute-t-il. C'est important pour lui.»

Le cabinet du premier ministre indique d'ailleurs que «le ministre a pris des leçons de français dans le passé et s'est engagé à continuer ses efforts».

La députée du NPD Françoise Boivin, qui a été sa critique en matière de justice, décrit le ministre Nicholson comme un «gentleman», un homme courtois et diplomate avec qui elle a entretenu des relations «respectueuses et civilisées».

«Rob, c'est Rob», lance-t-elle au sujet de sa tendance à coller au message du jour. «Il ne sera pas un ministre des Affaires étrangères flamboyant. Il va être un bon soldat.»

Mais, dans les circonstances, et hormis la question de la langue, elle reconnaît que le premier ministre n'a pas nécessairement fait un mauvais choix. Après tout, en tant que ministre de la Défense, Rob Nicholson était déjà bien au fait des deux grands dossiers de l'heure, l'Ukraine et l'Irak.

«Il est plus diplomate et il a sans doute plus le physique de l'emploi que John Baird», dit-elle. Ce à quoi elle ne peut s'empêcher d'ajouter: «Dans mon livre à moi, quand tu es obligé de jouer avec des joueurs comme Kenney, Poilievre, Nicholson... Ça démontre la limite du front bench des conservateurs!»

«La loi et l'ordre»

À titre de ministre de la Justice de 2007 à 2013, Rob Nicholson a été un des principaux pilotes de la réforme du durcissement de la justice criminelle. La constitutionnalité de plusieurs de ces changements a été contestée devant les tribunaux.

La peine de mort

Rob Nicholson avait voté pour la résolution visant à rétablir la peine capitale en 1987. Le vote avait divisé le caucus conservateur et la majorité des députés québécois (incluant le premier ministre Brian Mulroney) avait voté contre.