L'opposition critique timidement le projet de loi antiterroriste C-51, se concentrant sur les doléances entourant le manque de «crédibilité» des mécanismes de surveillance de l'agence d'espionnage canadienne qui verrait ses pouvoirs considérablement accrus en vertu de la législation.

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair estime que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), qui est en charge superviser le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), n'est pas à la hauteur de la tâche.

«Ça n'a aucune crédibilité, le système actuel de supervision au Canada. Ce sont surtout des ex-amis du Parti conservateur qui se ramassent là-dedans (au CSARS)», a-t-il laissé tomber en point de presse, lundi.

Et si le gouvernement souhaite accorder au SCRS une flopée de nouveaux pouvoirs, il devrait mettre sur pied un comité de supervision composé d'élus pour compenser, d'après le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD).

«Il faut s'assurer que si l'on donne des pouvoirs accrus, il faut avoir une surveillance accrue de ceux qui doivent faire ce travail-là (...) par les élus du peuple», a fait valoir M. Mulcair, citant en exemple les modèles américain et britannique.

Le Parti libéral partage le même avis. Le chef parlementaire de la formation en Chambre, Dominic LeBlanc, a reproché aux conservateurs d'être opposés à la création d'un système de surveillance parlementaire digne de ce nom.

Son collègue Ralph Goodale, chef adjoint libéral, a quant à lui fait les gorges chaudes en rappelant que le CSARS a déjà été présidé par un certain Arthur Porter, l'ex-patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) aujourd'hui accusé de fraude.

Le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, qui parraine le projet de loi, s'est énergiquement porté à la défense du CSARS, alléguant que ce dernier était une référence mondiale.

«On a un modèle canadien exceptionnel, un organisme qui existe depuis 30 ans, qui assure la continuité en matière de rapport et de surveillance (du SCRS), qui a une expertise, un savoir-faire, une crédibilité qui est reconnue à travers le monde», a-t-il rétorqué aux libéraux.

Le cabinet de M. Blaney a indiqué lundi, que le ministre avait complètement fermé la porte à l'idée de mettre sur pied un comité de surveillance composé d'élus.

Déposé vendredi dernier, le projet de loi C-51 donnerait notamment au SCRS le pouvoir de contrer les projets de voyage de présumés extrémistes, d'interrompre des transactions bancaires et d'intervenir secrètement sur des sites Web radicaux.

Il est loin de provoquer une levée de boucliers du côté de l'opposition, qui doit composer avec un projet de loi portant sur des enjeux sécuritaires qui ont été payants pour les conservateurs dans les sondages à la suite des attaques survenues en octobre à Saint-Jean-sur-Richelieu et Ottawa.

Thomas Mulcair a d'ailleurs réitéré lundi qu'il voyait notamment d'un bon oeil la criminalisation de la promotion du terrorisme - une «bonne idée», a-t-il plaidé.

De leur côté, les libéraux ont fait savoir, vendredi dernier, qu'à première vue, C-51 tenait la route et qu'ils n'avaient pas détecté de «problème fondamental» dans le projet de loi, qui fait plus de 60 pages.

Les deux formations disent toutefois ne pas encore être en mesure d'affirmer s'ils l'appuieront, invoquant la nécessité de l'étudier en profondeur.

Mais déjà, ils ont accusé les troupes de Stephen Harper d'exploiter la mission en Irak et les questions de sécurité à des fins politiques.

En entrevue téléphonique, le porte-parole libéral en matière de sécurité publique, Wayne Easter, a soutenu qu'il n'avait cependant pas l'intention de jouer le jeu des conservateurs.

«Nous n'allons pas laisser le premier ministre nous forcer la main avec ses tactiques politiques de division («wedge politics»)», a-t-il lâché.

«Nous allons faire ce qui doit être fait pour assurer la sécurité nationale du Canada», a poursuivi le député Easter.

De son côté, la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, a déjà fait son nid: le projet de loi C-51 va «beaucoup trop loin» en instaurant au Canada une «police secrète».

L'élue s'inquiète par ailleurs du fait que l'une des dispositions du projet de loi stipule qu'une «activité portant atteinte à la sécurité du Canada» comprenne l'entrave du «fonctionnement d'infrastructures essentielles».

Or, Stephen Harper «semble croire que (les oléoducs) Keystone et Enbridge sont des infrastructures essentielles», a suggéré Mme May.