Le Canada a discrètement refusé de se joindre à un corps expéditionnaire multinational proposé par le Royaume-Uni dans la foulée des tensions créées par la Russie.

En prévision du plus récent sommet des pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), l'automne dernier, Londres avait multiplié ses efforts diplomatiques pour obtenir la participation du Canada à ce projet suggéré par le premier ministre David Cameron, indiquent plusieurs sources gouvernementales et militaires.

Le Danemark, la Norvège, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et les Pays-Bas ont déjà accepté de faire partie de cette force multinationale.

Les Britanniques auraient bien aimé que le gouvernement de Stephen Harper accepte de se joindre au corps expéditionnaire, et étaient même prêts à ce qu'une partie importante de l'entraînement des troupes se fasse à la base militaire canadienne de Wainwright, en Alberta.

Mais des discussions de coulisses amorcées avant le sommet de l'OTAN du 5 septembre, au pays de Galles, ont été brusquement interrompues par des officiers supérieurs canadiens, qui désiraient plus de temps pour étudier le projet.

La force expéditionnaire interarmées de 10 000 membres, connue sous l'acronyme JEF, doit être entièrement en fonction d'ici 2018 et vise à répondre à des crises internationales au nom des Nations unies lorsque cela est requis - et à agir comme renforcement majeur de la force de réaction rapide de l'OTAN, à laquelle le Canada hésite aussi à se joindre.

Dans les deux cas, l'hésitation du Canada contraste avec la rhétorique incisive du gouvernement Harper à l'égard de la Russie, qui a récemment mené des exercices militaires par les airs et la mer dans la région des pays baltes.

En théorie, la proposition britannique semble être le véhicule parfait pour les ambitions militaires des conservateurs, qui profitent de chaque occasion pour souligner qu'ils s'opposent avec force au régime de Vladimir Poutine et qu'ils le font aux côtés de leurs alliés.

À la conclusion du sommet, M. Harper avait affirmé que son gouvernement attendait davantage d'information de l'OTAN avant de décider si le Canada se joindrait à la force de réaction, mais n'avait pas fait mention de la proposition britannique.

Cela demeure la position du gouvernement du Canada, alors que les membres de l'Alliance atlantique peinent à déterminer qui paiera pour la force de réaction rapide, selon des sources importantes à la Défense.

Le lieutenant-général Jonathan Vance, à la tête du Commandement des opérations interarmées du Canada, a refusé de commenter les décisions politiques. Il a cependant expliqué que la participation du Canada à cette force multinationale empêcherait l'armée canadienne d'accomplir d'autres missions que voudrait éventuellement lui confier le gouvernement.

En joignant le corps expéditionnaire sans mission spécifique, «vous signalez un engagement pour des opérations futures que vous serez - ou ne serez pas - en mesure de respecter», a fait valoir M. Vance.

La question ne porterait pas sur la volonté du Canada de répondre à des urgences à l'international, mais davantage sur un désir de maintenir une flexibilité pour déterminer lui-même quels éléments militaires déployer dans quelles régions du monde. «Vous ignorez ce qui se passera d'autre dans le monde au même moment», a-t-il fait valoir.