L'annonce de la levée du moratoire sur le renvoi des ressortissants haïtiens et du Zimbabwe préoccupe des groupes communautaires et de défense des droits des réfugiés, bien qu'il donne une lueur d'espoir à plus de 3000 personnes qui vivent dans l'incertitude depuis plusieurs années.

Le gouvernement fédéral a annoncé lundi la levée de la suspension temporaire des renvois pour Haïti, instaurée en 2004, et le Zimbabwe, qui date de 2002. Environ 3500 personnes seraient touchées par cette mesure, dont 3200 Haïtiens vivant principalement dans la région de Montréal.

Ces quelque 3500 personnes ont vu leur demande d'immigration ou d'asile rejetée, mais elles n'ont pas été renvoyées dans leur pays en raison en raison de la situation jugée trop dangereuse. Ils se retrouvaient donc entre deux eaux, puisqu'ils pouvaient obtenir un permis de travail renouvelable de même que recevoir certains soins, mais leur situation demeurait éminemment temporaire.

Ottawa a donc décrété lundi que les conditions en Haïti et au Zimbabwe s'étaient suffisamment améliorées pour lever ce moratoire. Le ministre fédéral de l'Immigration, Chris Alexander, a cependant précisé qu'il donnera six mois à toutes les personnes visées pour présenter une demande de résidence permanente pour raisons d'ordre humanitaire. Ils pourront rester au pays en attendant la fin des procédures.

«Les conditions en Haïti et au Zimbabwe se sont améliorées et le gouvernement du Canada considère qu'il n'y a plus de risque généralisé pour l'ensemble de la population civile dans ces pays», a justifié le ministère de l'Immigration.

La directrice générale de la Maison d'Haïti, Marjorie Villefranche, a dit entretenir un «optimisme prudent».

«D'un côté, c'est clair que l'on est contents et soulagés pour les gens qui sont ici, mais d'un autre côté, un est un peu mitigés par rapport au fait de dire que la situation s'est stabilisée et qu'il y a de la sécurité en Haïti donc ça veut dire qu'on peut les renvoyer», a-t-elle déclaré.

Le ministère canadien des Affaires étrangères recommande d'ailleurs aux voyageurs canadiens de faire preuve d'une «grande prudence» lorsqu'ils se rendent en Haïti et au Zimbabwe. «La situation en matière de sécurité est dangereuse et très imprévisible», peut-on lire au sujet d'Haïti. «Les membres de la population haïtienne en général, peu importe leur niveau ou leur classe sociale, pourraient être victimes d'enlèvement.»

Stéphane Reichhold de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) s'est montré plus préoccupé. «Je suis moins optimiste, a-t-il reconnu. S'ils avaient voulu faire un petit effort, ils auraient pu donner au Québec la possibilité de prendre en charge le volet analyse comme ça a été fait dans le passé.»

Le directeur du TCRI a souligné que les nouvelles procédures seront complexes et pourraient prendre plusieurs années.

Janet Dench du Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) a pour sa part remis en cause la transparence et la prévisibilité des demandes de résidence permanente pour raisons humanitaires et réclamé la création d'un mécanisme plus clair et moins discrétionnaire.

Elle recommande de créer «une catégorie réglementaire qui accorderait la résidence permanente à tous les ressortissants de pays sous moratoire qui sont au Canada depuis au moins trois ans».