Le gouvernement fédéral pourrait permettre sous peu l'utilisation d'appareils pour détecter l'usage de drogues dans la salive des conducteurs, a appris La Presse. Ces appareils, comme le DrugWipe de l'entreprise allemande Securetec, sont déjà utilisés dans d'autres pays, dont la France et l'Australie. Cinq questions pour mieux connaître le gadget qui pourrait bientôt faire la loi sur les routes canadiennes.

C'est quoi?

On trouve quelques-uns de ces détecteurs sur le marché, dont le DrugWipe ou le DrugTest 5000 de l'entreprise Dräger. En prélevant un échantillon de salive, ils permettent de détecter plusieurs types de drogues en quelques minutes, dont le cannabis, la cocaïne, des amphétamines ou l'héroïne. Leur poids et leur taille (le DrugWipe est à peine plus gros qu'un crayon) permettent aux policiers de mener un test préliminaire sur le bord de la route. Un résultat positif justifie ensuite d'emmener un automobiliste au poste pour procéder à une évaluation plus poussée.

Quelles sont les règles actuelles?

À l'heure actuelle, pour détecter si un conducteur a les facultés affaiblies par l'alcool et s'il être doit emmené au poste, un policier lui fait passer une série de tests dits de «sobriété normalisés». Ces tests incluent les fameuses épreuves «doigt-nez» et la marche le long d'une ligne droite. Mais ils ne sont pas nécessairement les plus efficaces, si l'on se fie aux données de Statistique Canada: seulement 2% de l'ensemble des incidents de conduite avec facultés affaiblies déclarés par la police en 2011 impliquaient des drogues.

Quand surviendraient les changements?

Ainsi, des changements au Code criminel pourraient être proposés bientôt. Des groupes comme MADD Canada ont entrepris un lobbyisme intense à Ottawa et dans les provinces pour les convaincre de donner ce nouvel outil aux policiers. «Je suis convaincu [...] que de nouvelles mesures législatives en matière de conduite avec facultés affaiblies seront présentées dans la nouvelle année», a confié à La Presse le chef de la direction de MADD Canada, Andrew Murie. Au gouvernement, une source bien au fait du dossier s'est limitée à dire qu'«il s'agit d'un outil qui pourrait être considéré». Reste à savoir quand les changements entreraient en vigueur: l'ordre du jour législatif est chargé et il reste peu de temps avant les prochaines élections, à l'automne.

Ces appareils sont-ils fiables?

La fiabilité de trois appareils, dont le DrugWipe et le DrugTest 5000, est actuellement évaluée par un comité de la Canadian Society of Forensic Science. L'étude est financée par la GRC, entre autres, et elle doit être présentée au ministère de la Justice vers le mois de mai. Selon le chercheur responsable, D'Arcy Smith, le rapport établirait des critères pour les appareils qui pourraient être achetés par les corps policiers. Des études menées en Europe ont conclu à une fiabilité relativement bonne, mais pas parfaite, de certains des détecteurs qui sont examinés. Jean-Sébastien Fallu, un professeur de l'Université de Montréal spécialisé en toxicomanies, estime que le législateur devra aussi tenir compte de facteurs comme le coût social et les risques d'abus que posent ces nouvelles mesures.

Pourquoi maintenant?

Cette possibilité de changements législatifs survient à quelques mois de la prochaine campagne électorale, où les règles entourant la possession de cannabis pourraient devenir un enjeu important. Le Parti libéral propose la légalisation, le NPD mise sur la décriminalisation et le gouvernement Harper examine une demande de l'Association des chefs de police d'amender le Code criminel pour permettre d'imposer de simples contraventions pour la possession de petites quantités. «Ce sont de belles conversations à avoir [...], mais avant toute chose, on doit établir l'encadrement de la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues», a tranché Andrew Murie, dont l'organisme MADD jouit d'une certaine influence auprès du gouvernement Harper.