Le gouvernement Harper propose de nouveaux changements aux règles sur les armes à feu au Canada qui pourraient relancer les hostilités avec Québec dans ce dossier, à la veille des audiences sur l'abolition du registre des armes d'épaule qui se tiendront à la Cour suprême du Canada.

Le nouveau projet de loi propose une dizaine de mesures destinées à simplifier les formalités administratives pour les propriétaires d'armes à feu, tout en renforçant quelques règles de sécurité.

Cette Loi visant la délivrance simple et sécuritaire des permis d'armes à feu éliminerait les permis de possession seulement, créés il y a une trentaine d'années, pour les scinder aux permis de possession et d'acquisition. Elle changerait les règles sur les autorisations de transport d'armes à feu; donnerait au ministre plutôt qu'à la GRC le dernier mot sur la classification d'armes; et accorderait une période de grâce de six mois aux propriétaires d'armes qui ne renouvellent pas leur permis avant d'être passibles aux sanctions prévues au Code criminel.

Le projet de loi obligerait aussi les particuliers qui possèdent une arme à feu pour la première fois à suivre des cours de sécurité en ce qui a trait au maniement d'armes à feu et modifierait le Code criminel pour renforcer les dispositions relatives aux ordonnances interdisant la possession d'armes à feu lorsqu'une personne a été condamnée pour une infraction liée à la violence conjugale.

Le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a insisté sur la distinction entre les propriétaires d'armes à feu qui respectent la loi, et ceux qui ne la respectent pas, au moment d'annoncer le dépôt de ce projet.

«La Loi sur la délivrance simple et sécuritaire des permis d'armes à feu est une preuve supplémentaire que notre gouvernement défendra toujours les propriétaires et les chasseurs respectueux des lois», a-t-il déclaré, entouré de plusieurs députés conservateurs de l'Ouest canadien, surtout des hommes.

Autres contestations judiciaires?

Mais ces nouveaux changements pourraient remettre le feu aux poudres dans les relations entre Québec et Ottawa, surtout au moment où les deux gouvernements s'apprêtent à croiser le fer en Cour suprême mercredi au sujet de l'abolition du registre des armes d'épaule par le gouvernement Harper, dont Québec conteste la constitutionnalité.

Le gouvernement Couillard a déjà énoncé ses préoccupations à l'égard de certaines mesures annoncées cet été, dont la volonté de limiter les pouvoirs des contrôleurs provinciaux des armes à feu. Ces contrôleurs gèrent les autorisations de transport de certaines armes, notamment. Des propriétaires et associations d'armes à feu se plaignent depuis longtemps des trop grands pouvoirs qui leur sont accordés. Mais Québec estime que de tels changements pourraient empiéter dans ses champs de compétence.

«Toute la démarche du gouvernement fédéral, qui vise à favoriser les armes à feu, et dans le projet de loi dont ce qu'on entend dire c'est de favoriser les armes à feu qualifiées de dangereuses, je crois que ça va à l'encontre du concept de la sécurité du public, de la sécurité des citoyens. Lorsque le gouvernement nous annonce qu'il fait ça au nom de la sécurité publique, je crois qu'il y a une incohérence», a renchéri mardi le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Jean-Marc Fournier.

« J'ai eu des échanges avec mes homologues provinciaux concernant nos intentions, a affirmé le ministre Blaney.  D'ailleurs on les a partagées dès l'été dernier. » 

« Il va revenir aux Parlementaires fédéraux d'appliquer les lois canadiennes et les provinces pourront continuer à appuyer les lois provinciales », a-t-il ajouté.

Pour et contre

Des groupes qui militent pour le contrôle des armes à feu ont exprimé leur vive opposition aux mesures annoncées. «Après avoir aboli la pierre angulaire du contrôle des armes à feu au Canada - le registre des armes d'épaule - le gouvernement conservateur continue de céder devant les demandes du lobby des armes, aussi indécentes et aberrantes soient-elles», a dénoncé dans un communiqué Heidi Rajhten, porte-parole du groupe Polysesouvient.

«Même si les armes à feu peuvent être utilisées à des fins récréatives, il n'en demeure pas moins qu'elles sont conçues pour tuer», a ajouté Romain Gayet, président de l'Association des étudiants de Polytechnique.

«Les conservateurs peuvent affubler cette loi de tous les adjectifs qu'ils veulent, cela ne change en rien la nature irresponsable et immorale de cette législation, ainsi que l'impact réel et négatif qu'elle aura sur la sécurité publique», a quant à elle affirmé Nathalie Provost, une diplômée de la Polytechnique de Montréal qui a été blessée lors de la tragédie de 1989.

Le communiqué de presse du ministère fédéral de la Sécurité publique était accompagné de citations de plusieurs associations de chasseurs provinciales : «La Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs se réjouit d'une telle initiative. Il s'agit d'un projet de loi qui satisfait grandement les chasseurs du Québec, puisqu'il vient simplifier les démarches d'octroi de permis pour les utilisateurs respectueux de la loi tout en renforçant l'aspect de la sécurité et de l'éducation», a déclaré cet organisme.

«L'élimination de la paperasse pour les tireurs sportifs et les chasseurs ne compromet pas du tout la sécurité publique», a affirmé l'Association des sports de tir du Canada.

Pas assez loin

Mais ce ne sont pas tous les groupes qui défendent les droits de propriétaires d'armes à feu qui se sont réjouis de l'annonce de ces changements. Pour certains, comme l'Association canadienne pour les armes à feu, ils ne vont pas assez loin.

« Les réformes sont les bienvenues et représentent un pas dans la bonne direction, mais le gouvernement doit comprendre que la Loi actuelle sur les armes à feu est fondamentalement mal-orientée et punit les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois, et ces changements ne sont que d'ordre administratif », avait déclaré le vice-président à la direction Blair Hagen en juillet lorsque le ministre Blaney avait évoqué pour la première fois les nouvelles mesures. 

Le groupe réclame l'abolition pure et simple de la Loi sur les armes à feu. C'est d'ailleurs en portant un chandail de ce lobby disant « No Compromise » (pas de compromis) que le ministre de la Justice, Peter MacKay, avait soulevé une controverse l'été dernier.

- Avec Martin Croteau