La course à la direction du Parti progressiste-conservateur de l'Alberta provoque des remous jusqu'à Ottawa. Une liste des personnes qui ont demandé des renseignements sur les dépenses du candidat Jim Prentice en vertu de la Loi sur l'accès à l'information a circulé au ministère des Affaires autochtones, a appris La Presse.

Cette situation pourrait contrevenir aux lois et directives du Conseil du Trésor qui régissent le traitement des demandes d'accès à l'information. «Ça me surprend, ça me déçoit, c'est complètement contraire à la loi et contraire à l'esprit de la loi. Il n'y a aucune explication qui pourrait permettre, légitimer une telle chose. Absolument aucune», a dénoncé Michel Drapeau, avocat spécialisé dans le domaine de l'accès à l'information.

M. Prentice a dirigé le ministère des Affaires autochtones de 2006 à 2007. Il a quitté la politique fédérale pour aller travailler dans le secteur privé en 2010 et s'est porté candidat à la direction du PPC albertain cet été. Il est considéré comme le favori dans cette campagne, qui pourrait se terminer dès ce week-end s'il obtient l'appui de la majorité des membres au premier tour.

Le document obtenu par La Presse contient les noms d'une demi-douzaine de demandeurs, la plupart de l'Alberta. L'un d'eux est recherchiste au parti Wildrose, principal adversaire du PPC. Un autre est à la tête de la section albertaine de la Taxpayer's Federation, connue pour sa proximité avec le Wildrose et la mouvance réformiste de la province.

Joint par téléphone hier, le directeur albertain de la Taxpayers Federation, Derek Fildebrandt, a immédiatement réclamé une enquête au bureau de la Commissaire à l'information du Canada: «Je veux savoir si cette liste a pu être consultée par des gens qui n'étaient pas autorisés à la voir dans le cadre du traitement de mes demandes.»

M. Fildebrandt dit qu'il a des soupçons depuis plusieurs semaines sur la confidentialité de ses demandes d'accès à l'information au ministère fédéral. Il a soumis au printemps une demande précise sur les dépenses de M. Prentice alors qu'il était ministre des Affaires autochtones. Le Ministère lui a d'abord répondu que tous les documents réclamés avaient été détruits mais s'est ravisé quelques semaines plus tard, après que M. Fildebrandt eut obtenu les mêmes renseignements sur des ministres qui avaient précédé et suivi M. Prentice.

«J'ai finalement reçu plus de 3000 pages sur M. Prentice... Ils m'ont dit que tout cela était une grosse erreur», a lancé M. Fildebrandt, encore outré par cette affaire.

Raisons administratives

Au Ministère, le directeur du service d'accès à l'information, Kent Glowinski, a expliqué que la liste avait été créée en raison des nombreuses demandes concernant l'ancien ministre, dans le but de répondre correctement à toutes les requêtes. «C'était juste une feuille pour suivre et s'assurer que l'on avait répondu clairement», a-t-il dit.

M. Glowinski a reconnu que la liste des demandeurs avait circulé à l'extérieur du service d'accès à l'information, mais il a affirmé qu'elle n'avait pu être consultée que par les fonctionnaires autorisés à le faire en vertu d'une délégation ministérielle, à savoir: «Le sous-ministre, le sous-ministre adjoint, le secrétaire ministériel et le directeur de l'accès à l'information, de même que les fonctionnaires qui donnent un soutien à ces employés pour répondre aux demandes d'accès à l'information.»

Une directive du Conseil du Trésor sur l'application de la Loi sur l'accès à l'information prévoit que les fonctionnaires doivent «restreindre la communication de renseignements qui permettraient d'identifier directement ou indirectement l'auteur d'une demande aux seules personnes qui ont besoin d'avoir connaissance de ces renseignements».

Selon l'avocat Michel Drapeau, «il n'y a absolument aucune raison pour laquelle on aurait besoin de connaître l'identité du demandeur pour répondre à ces demandes». L'un des risques, selon lui, est que l'existence d'une requête soit utilisée contre le demandeur pour l'intimider ou lui porter préjudice.

Autre controverse

Une autre controverse touchant l'accès à l'information a éclaté la semaine dernière en Alberta dans le cadre de la campagne à la direction du PCC. Un ancien ministre, Manmeet Bhullar, qui est coprésident de la campagne de M. Prentice, aurait discrètement tenté de convaincre des membres de l'opposition de soumettre des demandes d'accès à l'information à son ancien ministère au sujet des dépenses de Thomas Lukaszuk, aussi candidat. L'affaire fait actuellement l'objet d'une enquête de la police de Calgary.

Les dépenses de politiciens, en particulier de ceux du PPC, sont une question délicate en Alberta, qui vient de pousser la première ministre Alison Redford vers la porte à la suite de révélations concernant ses dépenses extravagantes. Les conservateurs sont au pouvoir dans la province depuis près de 45 ans et plusieurs estiment qu'ils se croient tout permis et dilapident les fonds publics.