Le directeur parlementaire du budget, Jean-Denis Fréchette, enquête sur le remplacement du pont Champlain, a appris La Presse. Le chien de garde des finances publiques publiera d'ici quelques semaines sa propre estimation des coûts de ce superprojet.

Le gouvernement Harper est resté vague jusqu'ici quant à la facture de la reconstruction de cette infrastructure névralgique. Ottawa évalue que le coût du projet en partenariat public-privé (PPP) oscillera entre 3 et 5 milliards.

Le directeur parlementaire du budget, en poste depuis septembre dernier, espère bientôt produire une estimation plus précise.

«Tout ce qui coûte plus de 100 millions de dollars, ça nous intéresse, a affirmé M. Fréchette en entrevue. Et dans le cas du pont Champlain, c'est évidemment beaucoup plus substantiel que cela. Ça va affecter les finances du gouvernement fédéral.»

L'examen a débuté il y a quelques mois à la demande d'un parlementaire. M. Fréchette dit avoir accepté le mandat en raison de l'importance des sommes en cause et de l'intérêt public du projet.

Péage et transport collectif

Dans un premier temps, M. Fréchette et son équipe vont s'intéresser à la facture globale du remplacement du pont. Ils comptent par la suite se pencher sur le péage et sur l'implantation d'un nouveau mode de transport collectif, par exemple un train léger.

Le directeur parlementaire du budget dit avoir eu «une assez bonne collaboration» des ministères fédéraux impliqués dans le projet.

Selon l'opposition, l'enquête de M. Fréchette ne serait pas devenue nécessaire si le gouvernement Harper avait piloté le dossier de manière plus transparente.

«Ça me dit que le directeur parlementaire du budget pense probablement que le gouvernement cache des chiffres ou, plus grave encore, qu'il n'a pas fait les calculs des coûts du remplacement du pont», a dénoncé le député du Parti libéral, David McGuinty.

Le député du Nouveau Parti démocratique Hoang Mai se dit heureux qu'un officier indépendant du Parlement se penche sur le dossier.

«Il y a un manque flagrant de transparence, a-t-il dénoncé. On travaille en vase clos.»

Au bureau de Denis Lebel, ministre responsable du projet, on explique qu'il serait mal avisé d'énoncer des estimations des coûts du projet alors que le consortium qui construira le nouveau pont n'a pas encore été sélectionné. Le choix de l'entreprise gagnante devrait se faire au printemps prochain.

«Les informations financières précises ne peuvent être dévoilées à ce stade-ci afin de ne pas fausser le processus d'appels d'offres, explique le porte-parole du ministre Lebel, Vincent Rabault. Il s'agit d'une procédure standard pour les projets en PPP.»

Le gouvernement Harper a devancé le remplacement du pont Champlain à 2018 après avoir découvert que la structure actuelle est plus dégradée qu'on le croyait. Ottawa se trouve depuis dans un bras de fer avec le gouvernement du Québec ainsi que l'ensemble des villes du Grand Montréal, qui s'opposent à l'imposition d'un péage.

L'opacité du gouvernement Harper a maintes fois été décriée depuis le début du processus. En mars, le dévoilement du plan d'affaires du projet a attisé la colère de Québec et des élus municipaux, qui digèrent mal d'être maintenus à l'écart des décisions financières.

Encore hier, La Presse a rapporté que le fédéral refuse de dévoiler une étude de Steer Davies Gleave qui évalue l'impact du péage sur la circulation dans le Grand Montréal. Infrastructure Canada a expliqué vouloir protéger le processus d'appels d'offres.

Des excuses qui ne tiennent pas la route, selon le député McGuinty.

«On veut savoir quels sont les effets sur tous les automobilistes montréalais si on reconstruit le pont avec un péage, a-t-il déploré. Ça n'a rien à voir avec les calculs ou les stipulations ou les standards de construction des compagnies qui répondent à l'appel d'offres.»