Le gouvernement Harper a subi une autre défaite importante devant la Cour suprême du Canada vendredi, tandis que le gouvernement du Québec a remporté sa bataille : une réforme unilatérale du Sénat serait inconstitutionnelle, ont tranché les huit juges de la Cour suprême à l'unanimité.

« Le Parlement ne peut unilatéralement apporter au Sénat la plupart des changements proposés, qui exigent le consentement d'au moins sept provinces dont la population confondue représente au moins la moitié de la population de toutes les provinces », ont écrit les juges dans l'avis qui n'est pas signé.

« Nous concluons en outre que l'abolition du Sénat exige le consentement de l'ensemble des provinces », ont-ils ajouté.

De passage à Kitchener, le premier ministre Stephen Harper a déploré le fait que la décision impose le statu quo à son gouvernement et aux Canadiens sur toute ambition de réformer ou d'abolir le Sénat.

« On sait très bien qu'il n'y a pas de consensus parmi les provinces, qu'il n'y a pas de désir de rouvrir la Constitution canadienne. Alors le résultat de cette décision est une décision pour le statu quo », a-t-il dit. 

« Ce n'est pas la volonté de la population canadienne, a-t-il toutefois poursuivi. La grande majorité veut une réforme ou une abolition. Et avec cette décision, ces options ne sont pas là pour un avenir proche. » 

« Je suis déçu d'une telle décision, mais je suis certain que la grande majorité des Canadiens, qui n'appuient pas le statu quo, vont être déçus de cette décision. »

Victoire de Québec

Dans son avis, la Cour suprême n'a pas interdit la réforme ou l'abolition, mais indiqué qu'elles ne pourraient être imposées unilatéralement par Ottawa comme le gouvernement Harper a tenté de le faire dans une série de projets de loi depuis qu'il a pris le pouvoir en 2006.  

Les juges ont noté que la formule d'amendement du 7/50 serait nécessaire pour modifier la durée du mandat des sénateurs et soumettre leur nomination à un scrutin consultatif de la population. Ces modifications constitutionnelles ne pourraient être adoptées sans « un consensus fédéral-provincial considérable », ont-ils renchéri.

De plus, aucune abolition de l'institution ne pourrait avoir lieu sans l'appui unanime de toutes les provinces. Ottawa a plaidé qu'il pourrait procéder par la voie de la formule du 7/50. 

La décision donne raison au gouvernement du Québec sur toute la ligne, incluant sur la question de l'abolition de l'exigence de posséder un terrain d'une valeur de 4000 $ dans la province pour les candidats au Sénat. La Cour a indiqué qu'Ottawa ne pourrait aller de l'avant sur cette question sans négocier directement avec Québec. Les autres provinces ne s'y sont pas opposées.

Pour le gouvernement Harper, c'est un deuxième revers important devant le plus haut tribunal du pays en quelques semaines, dans la foulée du renvoi sur la nomination du juge Marc Nadon. Ottawa avait aussi subi une défaite devant la Cour d'appel du Québec sur cette même question de la réforme du Sénat dans un autre avis unanime.

« Institution fondamentale » 

C'est le gouvernement fédéral lui-même qui a demandé à la Cour suprême de trancher sur la validité constitutionnelle de sa réforme. Il faisait valoir qu'il pouvait, sans consulter les provinces, changer la durée du mandat des sénateurs et soumettre leur nomination à un processus consultatif de la population.

De nombreux constitutionnalistes prévoyaient que la Cour rejetterait les arguments du fédéral, mais certains avaient laissé planer la possibilité qu'elle ouvre la porte à une limitation unilatérale de la durée du mandat des sénateurs.

Les magistrats ont annoncé leurs couleurs dès la première phrase de l'avis de 112 paragraphes : « Le Sénat est une des institutions fondamentales du Canada », ont-ils rappelé. 

Des élections consultatives « transformeraient fondamentalement l'architecture de la Constitution », ont-ils écrit plus loin dans la décision. « La nature et rôle fondamentaux du Sénat en tant que corps législatif complémentaire chargé de donner un second regard attentif aux projets de loi seraient considérablement modifiés. » 

« La durée du mandat des sénateurs est directement liée à cette conception du Sénat », ont ajouté les magistrats au sujet de la fonction de « corps législatif complémentaire » du Sénat. Diminuer le caractère inamovible de leur mandat « offre un degré moindre de protection à l'égard des conséquences que pourraient entraîner des opinions qu'ils exprimeraient librement au sujet des projets législatifs de la Chambre des communes ». 

Quant à l'abolition du Sénat, « elle changerait plutôt fondamentalement notre architecture constitutionnelle - en supprimant la structure bicamérale de gouvernement qui sous-tend l'architecture de la Loi constitutionnelle de 1867 - et modifierait la partie V, ce qui exige le consentement unanime du Parlement et des provinces », a écrit la Cour.

Stephen Harper devrait donc entreprendre des négociations constitutionnelles s'il souhaitait aller de l'avant avec sa réforme, un projet politique qu'il caresse depuis très longtemps. Mais si cette possibilité est évoquée fréquemment au Québec, incluant lors de la dernière campagne électorale, le reste du Canada a démontré très peu d'appétit pour revivre les scénarios de Meech et de Charlottetown. 

Volte-face

Le NPD, qui prône l'abolition du Sénat et dont l'ancien chef Jack Layton avait déjà invité Stephen Harper à tenir un référendum sur la question, a maintenu sa position : « De toute façon, on dit depuis le début qu'il devra y avoir de réelles consultations avec les provinces et les Canadiens avant de faire aucun de ces changements-là, que ce soit la réforme ou l'abolition », a noté la députée néodémocrate Alexandrine Latendresse.

Le député du Parti libéral du Canada Stéphane Dion, quant à lui, a mis le premier ministre en garde contre cette option et l'a plutôt invité à adopter l'approche de réforme proposée par son chef Justin Trudeau, qui ne nécessite pas selon lui d'amendement constitutionnel. Les libéraux songent notamment à créer un comité de sages pour conseiller le premier ministre sur les personnes à nommer à la Chambre haute et ils ont expulsé les 32 sénateurs libéraux de leur caucus parlementaire.

« S'il veut envoyer les Canadiens en référendum et en négociations constitutionnelles, les Canadiens en prendront note et je ne pense pas qu'ils soient intéressés par cela du tout », a noté le député montréalais au sujet de la position du NPD dans le dossier.

Mais il doute que Stephen Harper s'engage dans cette voie. « Je pense que le premier ministre a eu sa leçon. C'est une gifle, une de plus après le juge Nadon », a lancé M. Dion.

En octobre, le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, a affirmé : « Un gouvernement que je dirigerais ne participerait pas à une conférence portant sur la réforme du Sénat avant qu'à l'agenda figure de façon explicite la reconnaissance et la discussion des cinq conditions historiques du Québec».

Ces conditions incluent la reconnaissance du Québec comme société distincte, un droit de veto sur toute modification constitutionnelle d'importance et l'exigence que la nomination des trois juges du Québec à la Cour suprême se fasse à partir d'une liste de candidats fournie par Québec.

La Canadian Taxpayers Federation, un groupe près des conservateurs, a tout de même réclamé vendredi la tenue d'un référendum sur l'abolition du Sénat lors des prochaines élections fédérales en 2015. 

La position du gouvernement Harper avait jusqu'ici été que le Sénat serait aboli s'il ne pouvait être réformé. Dans un discours prononcé en Australie il y a quelques années, le premier ministre avait déclaré : « Les Canadiens comprennent que notre Sénat, tel qu'il est aujourd'hui, doit changer ou, comme les anciennes Chambres hautes de nos provinces, disparaître ».

La réaction de M. Harper dans la foulée de l'avis de la Cour suprême du Canada représente donc une volte-face. 

Le député et candidat à la direction du Bloc québécois, André Bellavance, a mis en garde le gouvernement Harper contre un tel exercice référendaire, au cas où il changeait à nouveau sa position. 

« S'il veut consulter, c'est une consultation, ça reste ça. Mais pour faire les changements suite à cela, il n'en demeure pas moins qu'il va falloir qu'il rouvre la Constitution et qu'il ait l'assentiment du Québec », a-t-il dit.

Mais comme le premier ministre n'est pas prêt à se lancer dans de nouvelles rondes constitutionnelles, M. Bellavance l'invite maintenant à « abandonner sa lubie de réformer le Sénat sans l'accord du Québec ».

« C'est fini pour Stephen Harper de penser qu'il est roi et maître. »

Négociations constitutionnelles

Le NPD, qui prône l'abolition du Sénat et dont l'ancien chef Jack Layton avait déjà invité Stephen Harper à tenir un référendum sur la question, a maintenu sa position : « De toute façon, on dit depuis le début qu'il devra y avoir de réelles consultations avec les provinces et les Canadiens avant de faire aucun de ces changements-là, que ce soit la réforme ou l'abolition », a noté la députée néodémocrate Alexandrine Latendresse. 

Le député du Parti libéral du Canada Stéphane Dion a mis le premier ministre en garde contre cette option. Il l'a plutôt invité à adopter l'approche de réforme proposée par son chef Justin Trudeau, qui ne nécessite pas selon lui d'amendement constitutionnel. Les libéraux veulent créer un comité de sages pour conseiller le premier ministre sur les personnes à nommer à la Chambre haute et ils ont expulsé les 32 sénateurs libéraux de leur caucus parlementaire. 

« S'il veut envoyer les Canadiens en référendum et en négociations constitutionnelles, les Canadiens en prendront note et je ne pense pas qu'ils soient intéressés par cela du tout », a noté le député montréalais au sujet de la position du NPD dans le dossier. 

Mais il doute que Stephen Harper s'engage dans cette voie. « Je pense que le premier ministre a eu sa leçon. C'est une gifle, une de plus après le juge Nadon », a lancé M. Dion. 

En octobre, le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, a affirmé : « Un gouvernement que je dirigerais ne participerait pas à une conférence portant sur la réforme du Sénat avant qu'à l'agenda figure de façon explicite la reconnaissance et la discussion des cinq conditions historiques du Québec».

Ces conditions incluent la reconnaissance du Québec comme société distincte, un droit de veto sur toute modification constitutionnelle d'importance et l'exigence que la nomination des trois juges du Québec à la Cour suprême se fasse à partir d'une liste de candidats fournie par Québec. 

La Canadian Taxpayers Federation, un groupe près des conservateurs, a tout de même réclamé vendredi la tenue d'un référendum sur l'abolition du Sénat lors des prochaines élections fédérales en 2015.

La position du gouvernement Harper a jusqu'ici été que le Sénat serait aboli s'il ne pouvait être réformé. Dans un discours prononcé en Australie il y a quelques années, le premier ministre avait déclaré : « Les Canadiens comprennent que notre Sénat, tel qu'il est aujourd'hui, doit changer ou, comme les anciennes Chambres hautes de nos provinces, disparaître ». 

La décision de la Cour suprême pourrait changer la donne. Le ministre responsable de la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, doit réagir à 13 heures.

Le député et candidat à la direction du Bloc québécois, André Bellavance, a mis le gouvernement Harper en garde contre un tel exercice référendaire. « S'il veut consulter, c'est une consultation, ça reste ça. Mais pour faire les changements suite à cela, il n'en demeure pas moins qu'il va falloir qu'il rouvre la Constitution et qu'il ait l'assentiment du Québec », a-t-il dit.

Si le premier ministre n'est pas prêt à se lancer dans de nouvelles rondes constitutionnelles, M. Bellavance l'invite  à « abandonner sa lubie de réformer le Sénat sans l'accord du Québec ».

« C'est fini pour Stephen Harper de penser qu'il est roi et maître. »