Une délégation du gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) est arrivée la semaine dernière à Montréal pour un séjour aux frais des contribuables canadiens, dans l'espoir de faire enfin ce que son ambassade refuse de faire depuis des lustres: fournir un document de voyage à une trentaine de Congolais que le Canada veut expulser.

La procédure est exceptionnelle, même si elle a déjà été utilisée avec au moins un autre pays africain dans le passé, selon ce qu'a appris La Presse.

Normalement, lorsque le Canada veut expulser un ressortissant étranger qui n'a pas de passeport valide, tout passe par l'ambassade du pays dont la personne est originaire. L'ambassade délivre un passeport ou un laissez-passer pour permettre à la personne expulsée de prendre l'avion vers son pays.

Mais pour une raison inexpliquée, l'ambassade de la RDC à Ottawa a refusé au cours des dernières années de délivrer des documents de voyage à une trentaine de Congolais qui devaient être expulsés du Canada. Ces ressortissants en attente d'expulsion sont principalement des personnes sans statut qui ont commis un crime au Canada ou des personnes qui ne peuvent obtenir le statut de réfugié parce qu'elles sont soupçonnées d'avoir commis des crimes graves ou des crimes contre l'humanité avant leur arrivée ici.

Récemment, des représentants du gouvernement congolais ont toutefois fait miroiter au Canada que si des représentants de leur ministère de l'Intérieur étaient invités au pays pour interviewer leurs ressortissants, il serait certainement possible de délivrer des documents de voyage.

En février, La Presse a révélé que l'Agence des services frontaliers du Canada avait débloqué un budget de 30 000$ pour payer le voyage de quatre représentants congolais.

Convaincue d'économiser

L'Agence des services frontaliers est tout de même convaincue de faire des économies avec cette initiative, puisque la trentaine de personnes visées lui coûtent très cher: à titre d'exemple, celles qui sont détenues coûtent 250$ par jour au Trésor public.

La délégation a fait des entrevues à Montréal la semaine dernière. Dans au moins un cas, ils ont pu organiser le départ d'un Congolais qui a passé plus d'un an en détention à la prison de Rivière-des-Prairies, parce que le Canada n'arrivait pas à lui obtenir un document de voyage, alors qu'il était prêt à quitter le pays volontairement. L'homme avait été battu à l'intérieur des murs et avait été admis au programme d'indemnisation des victimes d'acte criminel du Québec.

Son avocat, Me Ethan Friedman, se réjouit du départ prochain de son client, mais déplore qu'il ait fallu faire voyager des fonctionnaires congolais pour y parvenir. «C'est complètement dysfonctionnel! C'est devenu un gros bouton très laid au niveau diplomatique. Que peut-on faire quand un pays ne veut rien savoir d'un de ses ressortissants?», a-t-il déclaré lorsqu'on l'a joint au téléphone.

Un autre Congolais interrogé par la délégation à Montréal est justement passible d'expulsion du Canada parce qu'il est lui-même un ancien représentant du gouvernement en place à Kinshasa, ce qui laisse croire aux autorités canadiennes qu'il a pu être complice d'atteintes graves aux droits de l'homme.

«Ce sont ses anciens collègues qui viennent l'interroger, c'est ironique! Suivant la logique du gouvernement canadien, on n'aurait même pas dû les laisser entrer. Mais ce n'est pas la première fois que ce gouvernement serre la main du diable», s'insurge son avocat, Me Stéphane Handfield.