Candidat-vedette du Parti québécois dans Saint-Jérôme, l'homme d'affaires Pierre Karl Péladeau n'a pas hésité à cultiver ses liens avec les conservateurs de Stephen Harper dans le passé.

Avant d'embaucher l'ancien directeur des communications du premier ministre, Kory Teneycke, pour l'épauler dans son projet de lancement du réseau Sun News Network, en 2010, M. Péladeau et son ex-conjointe, Julie Snyder, ont été reçus au 24, promenade Sussex, en septembre 2009, afin de partager un repas en compagnie de Stephen Harper et son épouse Laureen, a appris La Presse de plusieurs sources.

Le 24, promenade Sussex est la résidence officielle du premier ministre, et rares sont ceux qui obtiennent une telle invitation du couple Harper.

Des sources ont indiqué que cette soirée avait été organisée à l'instigation de Kory Teneycke, qui a été directeur des communications de M. Harper de juillet 2008 à juillet 2009. Au moment où M. Péladeau et Mme Snyder ont été reçus par M. Harper à sa résidence officielle, M. Teneycke venait d'obtenir un contrat de trois mois de Québecor Média pour offrir des «conseils stratégiques de communications» pour la création de Sun News Network, un nouveau réseau anglophone de nouvelles continues. Plus tard, en juin 2010, M. Teneycke a été nommé au poste de vice-président, développement, chez Québecor Média. Il est aujourd'hui vice-président de Sun News Network.

Quels ont été les sujets abordés durant cette rencontre au 24 Sussex? Les projets de Québecor ont-ils été discutés, ou la conversation a-t-elle porté uniquement sur la situation de l'économie ou le contexte politique au Québec? Le bureau du premier ministre Stephen Harper et la direction de Québecor n'ont pas voulu commenter hier. «Nous n'avons aucun commentaire. Malgré les efforts persistants des médias, nous n'avons nullement l'intention d'intervenir dans la campagne provinciale au Québec», a affirmé Carl Vallée, un proche collaborateur de Stephen Harper.

Le vice-président aux affaires de Québecor, Martin Tremblay, a confirmé à La Presse que M. Péladeau et Mme Snyder avaient été reçus par le premier ministre en septembre 2009 au 24 Sussex. Mais il a dit ne pas avoir de détails. «M. Péladeau n'est plus chez Québecor et je n'ai pas de détails sur les discussions qui ont pu avoir lieu.»

La Presse n'a pu obtenir les commentaires de M. Péladeau hier soir.

Sous le couvert de l'anonymat, une source conservatrice a tenu à souligner qu'il «n'est pas anormal que le premier ministre rencontre des gens d'affaires au 24 Sussex» afin d'obtenir leurs opinions sur certains sujets précis.

À l'époque, toutefois, M. Péladeau s'intéressait à deux projets importants. Outre la création de Sun TV, il consacrait ses efforts au retour des Nordiques à Québec et à la construction d'un nouveau Colisée. Pour mener à bien ce projet, on souhaitait qu'Ottawa et Québec se partagent les coûts de construction du nouvel amphithéâtre de 400 millions de dollars qui respecterait les normes de la Ligue nationale de hockey.

Après que certains députés conservateurs de la région de Québec eurent laissé entrevoir la possibilité que le gouvernement fédéral délie les cordons de la bourse, en octobre 2009, le premier ministre a écarté l'idée devant la vive opposition de ses troupes, notamment des députés de l'Ouest. Le gouvernement du Québec et la Ville de Québec ont finalement décidé de financer la majorité des coûts de l'aréna. Aux élections fédérales de mai 2011, le Parti conservateur a perdu quatre sièges dans la région de Québec.

Quant au réseau Sun TV News, que certains surnomment le «Fox News du Nord», il a été lancé le 18 avril 2011, alors que les élections fédérales battaient leur plein. Ce réseau se dit ouvertement de «droite», appuie les idées du Parti conservateur et se fait un devoir de critiquer la Société Radio-Canada/CBC. En somme, la création de ce réseau par M. Péladeau a servi les intérêts des conservateurs.

Dans les rangs conservateurs, on s'est toutefois félicité au cours des derniers jours d'avoir rejeté la demande de financement de l'amphithéâtre de Québec dans la foulée de la décision de Pierre Karl Péladeau de porter la bannière du Parti québécois aux élections du 7 avril.

«Ce dossier serait revenu nous hanter dans l'Ouest, aujourd'hui, si nous avions cédé aux pressions et allongé des millions de dollars pour aider le projet de Péladeau», a commenté un stratège conservateur sous le couvert de l'anonymat.