Le premier ministre Stephen Harper s'est envolé dimanche pour la Corée du Sud, et les informations portent à croire qu'il y compléterait une autre longue période de négociations de libre-échange dont ses adversaires ont dénoncé le caractère secret et potentiellement nuisible pour les travailleurs canadiens.

Impossible de savoir si M. Harper prévoit signer le texte final de l'accord avec Séoul - au terme d'un processus long d'une décennie et parsemé d'embûches -, ou s'il s'y rend simplement pour annoncer une entente de principe, histoire de profiter d'un coup de publicité dans les médias.

Voilà essentiellement ce que M. Harper avait fait à l'automne dernier à Bruxelles pour marquer la fin de quatre années de négociations difficiles avec l'Union européenne.

Selon le porte-parole néo-démocrate en matière de commerce, Don Davies, la croissance des échanges avec la Corée du Sud et l'Asie en général est une bonne chose. Il se montre toutefois sceptique à propos de la possibilité que les cérémonies prévues cette semaine ne soient qu'une répétition de celles tenues à Bruxelles.

«Vont-ils simplement échanger une poignée de mains, se faire prendre en photo et signer une entente de principe sans dévoiler les détails, ou le texte de l'accord sera-t-il publié?»

M. Davies fustige par ailleurs le gouvernement pour son manque total de transparence, et s'est interrogé à savoir si l'accord permettra de protéger le secteur canadien de l'automobile.

«Il s'agit d'un accord commercial, les détails sont importants.»

«Les conservateurs ont probablement la politique commerciale la moins transparente des pays industrialisés. Ils sont fermés, ils sont axés sur le secret, et ils n'impliquent pas beaucoup de responsables; ils n'impliquent pas l'opposition.»

L'entente avec Séoul permettrait de développer davantage les échanges économiques avec l'Asie, une importante priorité économique du gouvernement Harper. À la suite de l'accord avec l'Union européenne, le premier ministre pourrait vanter son premier accord commercial d'envergure avec l'Asie, et faire progresser d'autres négociations, comme celles avec le Japon.

«Cela fait longtemps que cette entente est attendue», estime Yuen Pau Woo, président de la Fondation Asie-Pacifique du Canada.

«Nous accusons un fort retard sur nos concurrents, et conclure l'entente avec la Corée du Sud démontrera que le Canada est sérieux dans sa démarche d'établir des liens commerciaux plus solides avec l'Asie, et pourrait accélérer le rythme de nos négociations avec d'autres pays.»

L'un des principaux irritants est le tarif douanier de 6,1% pour les voitures importées. Des détracteurs craignent que si cette mesure disparaît, le marché sera inondé de produits coréens.

Selon M. Woo, le gouvernement viendrait sans doute compenser le secteur de l'automobile à court terme.

Pour Scott Sinclair, chercheur au Centre canadien de politiques alternatives, «cet accord va sans doute cimenter le rôle mondial du Canada comme fournisseur de ressources naturelles, au détriment des secteurs à plus grande valeur ajoutée, comme l'industrie automobile».

«Nos relations commerciales avec la Corée du Sud sont aussi inquiétantes que notre déficit commercial.»

Selon lui, le Canada vend surtout des ressources riches en carbone à Séoul, comme le charbon, le cuivre et l'aluminium, en important majoritairement des biens manufacturés de haute technologie comme des voitures, des appareils électroniques et des électroménagers.

Le déficit commercial d'Ottawa face à la Corée du Sud est déjà de 4 milliards $, poursuit-il.

Stuart Trew, un expert en commerce au sein du Conseil des Canadiens, partage une opinion similaire, soit que cet accord ne servira qu'à accroître ce déficit commercial.