Les conservateurs de Stephen Harper se lancent dans le débat entourant le divorce d'Oxfam et de son ambassadrice Scarlett Johansson. Un ministre et un député ont sévèrement critiqué l'organisme pour sa position à l'égard de l'entreprise israélienne SodaStream, située en Cisjordanie occupée. Oxfam, de son côté, a martelé hier qu'il n'avait jamais appelé au boycottage de l'entreprise. Cinq mots pour comprendre ce débat politique inhabituel.

Soda

La controverse est née d'une publicité du Super Bowl mettant en vedette Scarlett Johansson pour l'entreprise israélienne SodaStream. L'entreprise fabrique des machines pour faire de l'eau gazéifiée à domicile et possède une usine dans une colonie de peuplement de Cisjordanie. Or, Oxfam est opposée à ces colonies, qu'elle dénonce comme étant établies en violation du droit international. L'organisme a donc annoncé jeudi qu'il avait accepté la démission de Mme Johansson, son ambassadrice depuis hui ans. Dans une déclaration, l'actrice s'est défendue d'avoir voulu faire un geste politique. Elle a néanmoins affirmé que SodaStream créait des emplois et qu'elle favorisait la coopération israélo-palestinienne dans les territoires occupés.

Kenney

Le ministre canadien de l'Emploi, Jason Kenney, a vivement dénoncé Oxfam la semaine dernière, affirmant qu'il ne ferait plus jamais de dons personnels à l'organisme. Il a accusé «les fous à Oxfam» de «marginaliser les Palestiniens qui obtiennent des emplois bien rémunérés en travaillant chez SodaStream». Il en a remis sur Twitter lundi, publiant la photo de la nouvelle machine à soda qu'il s'est fièrement procurée à La Baie. À la Chambre des communes, hier, son collègue conservateur Peter Kent a renchéri en décriant le boycottage de SodaStream: «Il est décevant que des organismes comme Oxfam soutiennent ce mouvement, qui vise Israël», a-t-il martelé.

Oxfam

Oxfam a pris soin, hier, de ne pas embarquer dans la guerre de mots avec les conservateurs. Mais l'organisme s'est défendu à nouveau d'avoir encouragé ou appuyé le boycottage de quelque entreprise israélienne que ce soit. «C'est de l'information erronée, a tranché la directrice générale d'Oxfam Québec, Denise Byrnes. Oxfam n'a jamais appuyé et n'appuie pas le mouvement du boycottage avec Israël.» Au sujet de Scarlett Johansson, elle a expliqué que «le fait de travailler avec une compagnie qui est implantée dans les territoires occupés, donc contre le droit international, est incompatible avec notre position, notre mandat et notre mission».

«Hypocrisie»

La position du gouvernement canadien sur les colonies de peuplement est qu'elles «sont contraires à la quatrième Convention de Genève. Elles constituent en outre un obstacle sérieux à l'instauration d'une paix globale, juste et durable». La députée du NPD Hélène Laverdière estime que les conservateurs font preuve d'hypocrisie dans le dossier. «Je trouve assez troublant de voir un ministre qui s'amuse sur Twitter à tenir des propos qui semblent en contradiction avec la position officielle du Canada et en profite pour jeter de l'huile sur le feu et insulter Oxfam», a lancé l'ancienne diplomate.

Harper

Tout ce débat survient dans la foulée de la visite de Stephen Harper en Israël, le mois dernier, alors qu'il a réitéré son appui indéfectible à l'État hébreu et dénoncé le «nouveau visage de l'antisémitisme». Selon la professeure Costanza Musu de l'Université d'Ottawa, SodaStream était une cible parfaite pour le gouvernement Harper afin de réitérer ce message avec force: «Oui, c'est une compagnie qui physiquement est dans les colonies, mais au niveau politique et de ses choix d'employés palestiniens, elle ne se pose pas comme une sorte de colonisateur, mais plutôt comme un collaborateur avec les Palestiniens», a-t-elle expliqué.