Alors que le chef du NPD Thomas Mulcair offre une solide performance au Parlement, c'est le chef des libéraux Justin Trudeau qui a attiré les foules en 2013 et continué à gagner des points dans les sondages. Sa lune de miel avec les Canadiens va-t-elle se poursuivre en 2014 ou va-t-il se faire damer le pion par le chef néo-démocrate plus expérimenté?

La question demeure car les deux chefs auront des défis distincts pour démontrer qu'ils représentent la meilleure alternative à Stephen Harper en 2014.

La popularité de Justin Trudeau est due en partie à sa personnalité. Elle devrait donner un nouveau souffle à son parti en cette année pré-électorale, à moins que les politiques qu'il mettra de l'avant ne rebutent ses partisans, croient des observateurs de la scène politique.

Devenu chef du Parti libéral en avril 2013, Justin Trudeau est le chouchou des foules. Même ses supposées gaffes et ses faux pas - son «admiration pour la Chine» et sa «soirée des dames» qui a été qualifiée de sexiste par certains - ne semblent pas trop l'écorcher. Pas pour le moment du moins.

Et le chef continue à gagner des points dans les sondages. Il a été déclaré bon vainqueur des quatre élections complémentaires de novembre. Le Parti libéral a gardé ses deux châteaux-forts de Bourassa au Québec et de Toronto-Centre, et a augmenté ses appuis dans les deux circonscriptions manitobaines qui sont demeurées entre les mains des conservateurs.

Pourquoi? «Parce que les Canadiens veulent un chef qu'ils aiment», lance Errol Mendes, professeur à l'Université d'Ottawa.

«Les gens portent plus vers le sentiment que sur le fonds», a aussi commenté d'emblée la professeure de politique de l'Université McGill, Antonia Maioni.

Avec un bémol: «Les gens ne sont pas exposés au fond de M. Trudeau. Et c'est donc difficile de voir si ça va les attirer autant lors des prochaines élections», commente-elle.

«Sa popularité s'est maintenue parce qu'il ne présente pas de politiques» et encore là, beaucoup dépendra de comment il les défendra, prévient-elle.

Le gouvernement conservateur a d'ailleurs pris un malin plaisir à répéter - sans cesse - au cours de l'année que la seule politique de Justin Trudeau était celle sur la marijuana.

Mais le chef libéral sait qu'il n'est pas une grand créateur de politiques, note M. Mendes.

Avec Justin Trudeau, c'est «Vous allez avoir ce que vous voyez», dit-il, répétant une phrase que le chef lui a dite. Et ce qu'il offre, c'est de faire de son mieux et de s'entourer de gens dont la confection de politiques publiques est la force, explique M. Mendes.

Il note toutefois que le chef libéral a su prendre position avec nuance sur des enjeux épineux comme les sables bitumineux et les projets de pipeline.

Mais à défaut d'avoir présenté de nombreuses politiques en 2013, Justin Trudeau a mis de l'avant une «attitude» qui donne le ton: il veut présenter une image positive d'un leader qui rassemble plutôt que de faire des attaques personnelles envers les autres chefs.

En faisant son bilan de fin d'année, le chef libéral se disait encouragé par les résultats des partielles, le nombre de bénévoles qui s'impliquent et les dons faits à son parti.

«Je suis optimiste que les Canadiens sont prêts à être moins cyniques par rapport à la politique», a-t-il déclaré pour conclure l'année parlementaire.

De son côté, Thomas Mulcair a brillé lors de la période des questions sur le scandale des dépenses au Sénat, adoptant le rôle d'un redoutable avocat effectuant un contre-interrogatoire serré de Stephen Harper, pour le forcer à rendre des comptes.

Il a été beaucoup plus présent aux Communes que Justin Trudeau lors de la dernière session et connaît ses dossiers sur le bout de ses doigts.

Mais cette efficacité et ses forces sur ces plans pourraient passer inaperçues.

«La plupart des Canadiens n'écoutent pas la période des questions à la Chambre. Et ce n'est pas vraiment ça qui attire les gens lors qu'il s'agit de juger ou de choisir en élections», estime Mme Maioni.

Sa performance a toutefois contribué à la faire connaître auprès des médias anglophones et de leur public.

Un plus pour M. Mulcair, qui a lui-même ainsi identifié son propre défi pour 2014: continuer à se faire connaître à l'extérieur du Québec, a-t-il confié lors d'une rencontre informelle.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a de son côté une plate-forme de politiques bien détaillée. La formation politique a présenté des idées et des projets de loi tout au cours de la dernière année.

Le chef néo-démocrate aura ainsi d'autres défis. Dont un qui perdure, explique Mme Maioni: «Comment réconcilier son caucus québécois avec le reste du parti. Un défi qui est toujours là, journalier pour lui». Le NPD a plus de la moitié de ses 100 sièges au Québec, alors qu'il est un parti national qui doit représenter toutes les régions du pays.

Et M. Mulcair devra aussi transférer l'énergie et cette force qu'il montre si bien au Parlement dans une stratégie gagnante du point de vue de l'électorat, ajoute-t-elle.

Il doit trouver une façon de paraître plus humain, et de mettre définitivement au rancart l'image de l'«avocat en colère», insiste pour sa part M. Mendes.

Mais la popularité du Parti libéral ne serait qu'un «retour à l'équilibre naturel», selon Mme Maioni. Car elle voit dans l'histoire électorale canadienne une alternance de pouvoir entre le Parti conservateur et le Parti libéral.

«Ce qu'on voit dans les sondages, c'est-à-dire que les électeurs qui cherchent autre chose, penchent plutôt vers le Parti libéral que le NPD». Les libéraux désillusionnés semblent rentrer au bercail.

Thomas Mulcair s'inquiète d'ailleurs de ce possible phénomène, qu'il qualifie lui-même de «chant des sirènes du Parti libéral».

«Les gens croient qu'il n'y a pas de choix. Que s'ils n'aiment pas les conservateurs, ils doivent retourner avec les libéraux. Mais il y a un choix», soit le NPD, a-t-il déclaré en faisant son bilan de fin d'année, le 18 décembre dernier.

Le chef reconnaît que de renverser cette tendance est un défi pour les néo-démocrates.

Il demeure toutefois confiant: «Nous sommes dans la meilleure position de notre histoire. Nous n'avons jamais été plus prêts à former le prochain gouvernement», a déclaré le chef Thomas Mulcair, fin décembre.