Le gouvernement conservateur a du mal à expliquer comment il réconcilie la hausse des tarifs chez Postes Canada et l'engagement qu'il a pris en faveur de la défense des consommateurs lors du discours du Trône.

Le bond spectaculaire du prix des timbres, qui passeront de 0,63 $ à 0,85 $ en carnet, accompagné de l'arrêt de la livraison du courrier à domicile d'ici cinq ans, en ont fait sursauter plus d'un mercredi.

Mais malgré le mécontentement de certains citoyens et syndicats, les troupes de Stephen Harper endossent la décision de la société de la Couronne.

Le leader du gouvernement en Chambre, Peter Van Loan, a même suggéré que le fait de recevoir son courrier chez-soi constituait un privilège, faisant le parallèle avec une cueillette des ordures sur le pas de la porte qui prévalait autrefois dans Rosedale, un quartier chic de Toronto.

«Cela me rappelle qu'au moment où la ville de Toronto passait à travers une phase de rationalisation (...), les bonnes gens de Rosedale n'aimaient pas l'idée que l'éboueur ne viendrait plus sur le côté de leur maison pour prendre leurs ordures et que, comme tout le reste du pays, ils devraient les déposer au bout de leur allée», a-t-il illustré.

Il faisait ainsi référence à la cueillette des ordures de 165 000 foyers torontois, qui a été sous-traitée à la compagnie Green for Life dans le cadre du plan de réduction des coûts du maire de la métropole, Rob Ford.

«Eh bien, la plupart des Canadiens au pays reçoivent déjà leurs lettres dans des boîtes postales», a conclu M. Van Loan.

À ses côtés en point de presse jeudi pour dresser un bilan de la session, le ministre Denis Lebel s'est fait rappeler que le gouvernement conservateur s'était engagé à défendre les droits des consommateurs en début de session parlementaire. M. Lebel a toutefois insisté sur le fait que les contribuables ne souhaitaient pas éponger les déficits d'une société de la Couronne qui n'aurait pas été capable de prendre les décisions qui s'imposent.

«Les électeurs chez-nous, ils ne veulent pas qu'avec leurs impôts, on paie pour des déficits opérationnels de sociétés qui n'ont pas pris la bonne décision», a-t-il assuré.

Comme l'annonce de Postes Canada est survenue le lendemain de la fin de la session parlementaire à Ottawa, les partis d'opposition ont accusé les conservateurs d'éviter volontairement les questions embarrassantes sur ce sujet en Chambre. Car même s'il s'agit d'une société de la Couronne indépendante, le gouvernement n'a pas hésité à intervenir pour forcer le retour au travail des employés en lock-out en juin 2011, afin d'assurer la continuité dans la distribution du courrier. Selon M. Lebel, la situation est différente cette fois, parce que les gens continueront à recevoir leurs lettres et colis et devront simplement aller les chercher dans une boîte postale.

Postes Canada espère économiser entre 700 et 900 millions $ par année grâce à l'ensemble des mesures présentées. Entre 6000 et 8000 postes seront supprimés, surtout par attrition.

Le syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a dénoncé la plan la société de la Couronne, concédant que des choses devaient être changées, mais pas aux moyens de coupes.

Jeudi, la FTQ, à laquelle est affilié le STTP, a joint sa voix à celles des mécontents. Dans un communiqué, son nouveau président Daniel Boyer a qualifié de «sauvage» et d'improvisé le plan de Postes Canada, qui à ses yeux donne «la nausée».

Interrogée à Montréal sur la décision de Postes Canada, la première ministre du Québec, Pauline Marois, s'est quant à elle dite attristée, mais a rappelé qu'il s'agissait d'une compétence sur laquelle la province n'avait pas son mot à dire.

«C'est une page qui se tourne. C'est un peu triste parce qu'on aimait bien, je pense, pour beaucoup de gens, voir arriver le facteur. (...). Mais c'est la responsabilité du gouvernement fédéral dans le cas présent», a-t-elle noté.