Le Canada souhaite étendre sa souveraineté dans l'Arctique jusqu'au pôle Nord, même si le gouvernement canadien n'a pas encore entièrement cartographié la zone et ne dispose pas de preuves scientifiques pour appuyer sa revendication territoriale.

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a indiqué lundi qu'on avait demandé à des scientifiques canadiens de mener des recherches supplémentaires, après un exercice de 10 ans visant à cartographier le plateau continental canadien. Ottawa avait soutenu, il y a deux ans, que la collecte de données était complète.

Une présentation scientifique formelle portant sur les revendications territoriales canadiennes dans l'océan Atlantique a été déposée la semaine dernière aux Nations unies, mais le gouvernement précise que le dossier soumis pour l'océan Arctique n'est que préliminaire.

M. Baird ne nie pas les informations voulant que le premier ministre Stephen Harper se soit impliqué à la dernière minute afin que le pôle Nord soit inclus dans la revendication canadienne, même si la justification géologique de cette demande - la «dorsale Lomonosov» - n'a pas encore été entièrement cartographiée par le Canada.

Les présentations scientifiques soumises à l'ONU ne mènent pas à des décisions contraignantes en droit international, mais elles constituent la base de futures négociations entre les pays qui revendiquent des territoires dans l'Arctique. Ces négociations pourraient prendre de nombreuses années avant de se conclure.

Au total, la revendication du Canada couvre 1,2 million de kilomètres carrés d'océan, un territoire grand comme l'Alberta et la Saskatchewan réunis.

La «dorsale Lomonosov» sous l'eau s'approche au nord de l'île d'Ellesmere au-dessus du pôle, et représenterait une base géologique pour les revendications territoriales canadiennes. Des scientifiques affirment qu'il semble que la «dorsale» soit reliée au territoire canadien, mais le Canada n'a fait que des relevés aériens du secteur.

«La réalité est que la «dorsale Lomonosov» n'a pas été complètement cartographiée dans les documents soumis par mon ministère, a dit M. Baird. Et, franchement, nous croyons qu'il est important de détailler tout l'Arctique.»

Des experts de l'Arctique soulignent que la Russie et le Danemark soutiennent aussi que la «dorsale Lomonosov» est une extension des côtes de leur pays.

Plus encore, «dans cinq, dix ou vingt ans, nous devrons admettre que le pôle Nord n'est pas Canadien», a soutenu Michael Byers, expert des lois internationales à l'Université de la Colombie-Britannique.

«(M. Harper) ne veut pas être le premier ministre reconnu publiquement pour avoir abandonné le pôle Nord, même si les faits scientifiques ne soutiennent pas les réclamations canadiennes», a-t-il affirmé.

«C'est de la politique, en fait, a dit Wiley Spicer, un avocat de Calgary oeuvrant depuis longtemps dans les lois internationales et les revendications en mer.

M. Spicer a souligné qu'aucune des revendications ne doit se traduire par une décision contraignante. Elles mettent seulement la table pour des années de négociations à venir.

«Ce qui devra arriver est une entente politique et diplomatique», a-t-il fait valoir.

Par ailleurs, Greenpeace a voulu mettre en garde contre le développement pétrolier en Arctique.

«Les scientifiques internationaux exigent que la majeure partie des hydrocarbures soit gardée sous terre pour éviter une catastrophe climatique», a affirmé par communiqué Patrick Bonin, responsable de la Campagne Arctique de Greenpeace.

«Si le Canada est sérieux et veut limiter le réchauffement planétaire à deux degrés Celsius, il doit reconnaître que le développement pétrolier en Arctique n'a pas sa place, a-t-il ajouté. Exploiter le pétrole en Arctique accélérera la crise climatique, sans parler des risques élevés de déversements.»