Une lecture trop littérale de textes constitutionnels qui remontent à une époque de «chevaux et de chariots» ne devrait pas empêcher une modernisation du Sénat, ont plaidé les avocats du gouvernement fédéral à la Cour suprême du Canada hier, au dernier jour des audiences.

Les juges ont mis la cause en délibéré et au cours des prochains mois, ils devront replonger dans l'histoire du pays pour répondre aux six questions soumises par le gouvernement Harper.

En basant ses arguments surtout sur la Loi constitutionnelle de 1982, Ottawa fait valoir qu'il peut, sans consulter les provinces, limiter le mandat des sénateurs à un minimum de huit ans et soumettre leur nomination à des élections consultatives. Le gouvernement fédéral fait aussi valoir qu'il peut abolir le Sénat sans obtenir l'appui unanime de toutes les provinces.

«Ce n'est pas une approche étroite et littérale comme ça a été répété durant ces procédures, a dit pour sa défense le procureur fédéral Robert Frater. C'est une approche globale qui devrait permettre une action significative sur la réforme du Sénat, plutôt qu'un autre 135 ans de pourparlers.»

La position d'Ottawa a récolté l'appui total ou partiel de quelques provinces ou territoires, dont l'Alberta et la Saskatchewan.

Les Pères de la Confédération

Depuis trois jours, les huit juges actifs de la Cour ont aussi entendu les arguments de plusieurs groupes et provinces opposés à la position fédérale, dont le Québec. Leurs arguments ont plus souvent remonté la Loi constitutionnelle de 1867 et l'intention des Pères de la Confédération que ceux du gouvernement fédéral.

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, entre autres, a fait valoir que le Sénat avait un rôle traditionnel de protection des minorités au Parlement canadien et que ce rôle était menacé par les réformes envisagées, dont les élections consultatives, qui pourraient réduire le nombre de sénateurs issus des minorités linguistiques.

«Je pense que nos points ont été bien entendus, a affirmé la présidente de l'association, Marie-France Kenney, au terme des audiences. Je pars avec un peu d'optimisme.»

Le gouvernement fédéral a fait valoir que les limites technologiques du XIXe siècle expliquaient davantage ce choix d'un Sénat nommé plutôt qu'élu. «Les dépenses et les difficultés liées aux élections à une époque de chevaux et de chariots. Ces préoccupations sont disparues avec la technologie et le temps. Et elles ne devraient pas être vues comme un obstacle aujourd'hui à un processus consultatif», a fait valoir Me Frater.

Les délibérations durent en moyenne de six à huit mois à la Cour suprême. Dans le récent renvoi sur la Commission des valeurs mobilières proposée par le gouvernement Harper, par exemple, environ huit mois s'étaient écoulés entre la fin des audiences et l'arrêt prononcé par la Cour.