Le sénateur Patrick Brazeau a lancé un véritable cri du coeur au Sénat tard lundi soir, tandis que ses collègues devraient voter pour le suspendre sans salaire en fin de journée mardi.

M. Brazeau a sévèrement dénoncé le comportement des médias, des sénateurs conservateurs et du bureau du premier ministre dans cette affaire, se décrivant comme une victime sacrifiée pour des raisons politiques, alors qu'il avait toujours respecté les règles. 

Le sénateur expulsé du caucus conservateur en février a même interpelé directement ses enfants, dans son discours prononcé peu après 23 heures dans l'enceinte de la Chambre haute. 

« Vous êtes trop jeunes pour comprendre ce qui se passe ici. Je suis beaucoup plus vieux que vous, et moi-même je comprends à peine », a-t-il dit en anglais, selon la transcription fournie par les services administratifs du Sénat.

«Il est très important que vous compreniez que je ne suis pas coupable de ce que certaines de ces personnes m'accusent», a-t-il poursuivi.

Le Sénat doit se prononcer en fin de journée mardi sur la suspension sans salaire, mais avec bénéfices (comme l'assurance maladie), des sénateurs Brazeau, Mike Duffy et Pamela Wallin. Les trois sénateurs ont été nommés par Stephen Harper en 2008. Les trois font l'objet d'une enquête de la GRC au sujet d'allocations de dépenses réclamées en trop (frais de voyage, frais de subsistance dans la capitale nationale). Les trois ont depuis quitté le caucus conservateur et siègent maintenant comme indépendants.

Patrick Brazeau a plaidé lundi que le rapport de la firme Deloitte commandé par le Sénat pour faire la lumière sur ses allocations de dépenses n'avait pas conclu qu'il avait violé les règles, au contraire : « Ils ont conclu que les politiques du Sénat étaient grossièrement inadéquates ».

Néanmoins, a-t-il dénoncé, « je suis jugé par des sénateurs qui réclament des indemnités quotidiennes quand ils sont à Ottawa, qui réclament des frais de déplacement beaucoup plus élevés que les miens ».  

Le Sénat réclame un remboursement d'environ 50 000 $ à M. Brazeau, mais ce dernier affirme que le montant en jeu est beaucoup moins élevé : « Je suis ici pour 144,97 $, a-t-il conclu. Parce qu'on me jette sous l'autobus, parce que le comité de régie interne a complètement ignoré la vérification de Deloitte, je suis sur le point d'être suspendu [sans] salaire, ce qui affectera sévèrement mes enfants, incluant mon enfant qui a des besoins spéciaux, et ma famille ».

Le dossier des allocations de dépenses n'est pas le seul problème de M. Brazeau. Il est aussi accusé de voies de fait et d'agression sexuelle au criminel dans une autre affaire. 

Originaire de Maniwaki, au Québec, le plus jeune sénateur de l'histoire de la Chambre haute a d'ailleurs dénoncé sans détour les reportages médiatiques qui ont démarré toute cette saga, les qualifiant de « pure merde » (bullshit).

« Vous êtes un menteur! » a-t-il aussi lancé au sénateur conservateur David Tkatchuk alors que l'ancien président du comité sénatorial de la régie  prenait la parole.

Nouvelle lettre de la GRC 

Le premier ministre Harper insiste depuis plus de deux semaines pour que les trois sénateurs soient suspendus sans salaire le plus rapidement possible.

L'opposition libérale au Sénat souhaite plutôt que leur dossier soit transféré à un comité sénatorial. Les libéraux et même certains conservateurs plaident que d'ainsi sanctionner les trois parlementaires est contraire aux principes de justice fondamentale et qu'ils devraient avoir l'occasion de se défendre.

MM. Duffy et Brazeau ainsi que Mme Wallin ont tous trois prononcé des discours à la Chambre haute dans le cadre du débat sur ces motions de suspension et ont dénoncé l'injustice des sanctions, du processus et des accusations qui pèsent contre eux. 

Une rumeur voulant que Mike Duffy puisse à nouveau prendre la parole circule depuis plusieurs jours à Ottawa.

Au cours des dernières semaines, M. Duffy et son avocat ont évoqué l'existence de courriels émanant du bureau du premier ministre Harper, courriels qui feraient la lumière sur un stratagème pour camoufler le fait que le remboursement de certaines dépenses au Sénat par Mike Duffy avait réellement été défrayé par l'ancien chef de cabinet de M. Harper, Nigel Wright.

Une lettre de la GRC qui circulait mardi montre que le corps policier cherche à mettre la main sur ces courriels et d'autres correspondances. 

« L'existence d'une telle documentation pourrait potentiellement être la preuve d'une conduite criminelle », a écrit le superintendant Biage Carrese de la GRC vendredi. Le nom du destinataire de la lettre a été caviardé.

La Presse Canadienne

Mike Duffy