Dans son très attendu discours aux militants conservateurs au congrès du parti à Calgary, le premier ministre Stephen Harper n'a offert aucune explication au sujet du scandale des dépenses au Sénat et sur le rôle qu'a joué son bureau dans l'opération de camouflage qui a suivi.

Il a plutôt a vigoureusement défendu ses actions contre les sénateurs mêlés à la controverse, réclamant à nouveau fermement qu'ils soient suspendus sans salaire.

Il blâme même les tribunaux pour n'avoir pas réussi à concrétiser plus tôt sa réforme du Sénat.

Dans un discours à saveur électorale, Stephen Harper a ainsi choisi de tenir la ligne dure devant les quelque 2000 partisans venus écouter leur chef.

Dans un discours cohérent avec les propos qu'il a tenus récemment à la Chambre des communes, Stephen Harper a condamné sans équivoque les sénateurs Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau.

Car ceux-ci ont réclamé des dizaines de milliers de dollars en dépenses inappropriées, sans égard aux règles et sans remords, a précisé le premier ministre.

Les partisans ont écouté ses propos sur le Sénat sans trop d'enthousiasme. Si certains lui ont offert des ovations, surtout lorsqu'il a parlé de suspendre les sénateurs «sans paie», ils étaient nombreux à rester assis, sans sourire.

M. Harper n'a ainsi pas évoqué son ancien chef de cabinet, Nigel Wright, qui aurait donné un chèque de 90 000$ à Mike Duffy pour l'aider à repayer ses dépenses. Pas plus qu'il n'a parlé du chèque de 13 560$ envoyé par l'avocat du Parti conservateur à Mike Duffy pour couvrir ses frais juridiques. Il a évidemment évité toute référence à une quelconque responsabilité de sa part dans cette affaire, puisqu'il maintient depuis le début avoir été tenu dans le noir sur les agissements de Nigel Wright.

M. Harper a signalé que même si on ignore si les actions des trois sénateurs sont des actes criminels ou non, cela importe peu.

«Dans la vie privée, vous seriez mis à la porte pour avoir fait quelque chose qui ressemble à ça».

Il a accusé ses adversaires politiques de vouloir élever en victimes les trois sénateurs et de se plaindre de la méthode forte du gouvernement.

«Je n'en ai rien à faire de tels opposants, a lancé Stephen Harper. Nous allons faire ce qui est juste», a-t-il d'un ton sérieux.

Pendant ses remarques d'environ 45 minutes, il a affirmé que son parti est le seul qui veut, et qui a tenté de réformer le Sénat.

Une réforme qui a été empêchée par l'opposition alors que les conservateurs étaient minoritaires.

«Et maintenant, nous en sommes empêchés par les tribunaux», s'est plaint le premier ministre.

Pourtant, il a décidé lui-même de demander l'opinion de la Cour suprême sur la marche à suivre pour réformer ou abolir le Sénat.

Le discours a laissé sur leur faim des militants qui souhaitaient avoir des explications sur ce qui s'est passé avec les sénateurs. Après le discours, certains déploraient qu'ils aient en quelque sorte été jugés sans que toute l'histoire soit connue. Mais d'autres se déclaraient extrêmement satisfaits du discours de leur chef, jugeant ses bons coups au niveau de l'économie beaucoup plus importants que les problèmes à Ottawa avec les sénateurs.

Stephen Harper a aussi décoché plusieurs flèches à ce qu'il a appelé l'«élite» dans son discours.

«Notre parti n'est pas celui qui se croit tout permis, il n'est pas guidé par le pouvoir et le privilège, a-t-il insisté. Dans notre parti, le service public doit rimer avec le sacrifice personnel», a-t-il même dit, soulignant que lui-même et sa femme ont dû laisser leur maison de Calgary pour aller à Ottawa, peut-être pour prendre ses distances de ses sénateurs tombés en disgrâce.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a déploré que le premier ministre ait évité de prendre ses responsabilités par rapport à la crise qui secoue le Sénat.

C'est un manque de respect, juge le député néo-démocrate Peter Julian, présent au congrès comme observateur.

«Les gens demandent des réponses et aujourd'hui, il n'y avait aucune explication de tous les événements et des contradictions dans le témoignage du premier ministre à la Chambre des communes», a-t-il dit. Il estime que M. Harper ne prend pas au sérieux la réaction des Canadiens à cette affaire.

Dans son discours où il a rappelé les accomplissements de son parti depuis 2006, surtout en économie, Stephen Harper semble avoir désigné son adversaire pour les prochaines élection de 2015: Justin Trudeau et le Parti libéral.

La plupart de ses attaques contre l'opposition étaient d'abord dirigées contre les libéraux, cherchant même à discréditer Justin Trudeau en disant que la population ne va pas élire en 2015 «le gagnant de Star Académie», mais celui qui saura diriger l'économie.

Des pans du discours de Stephen Harper s'adressaient spécifiquement aux Québécois.

«Et quand je pense à 2015, j'ai l'espoir et l'intention de voir beaucoup plus de Québécois voter avec nous comme l'ont déjà fait des francophones hors Québec afin de prendre les décisions importantes avec nous au sein de la fédération Canadienne», a dit le chef du parti.