Le mécontentement par rapport à la gestion de la crise du Sénat par Stephen Harper et son entourage augmente dans les rangs conservateurs, tandis que les militants s'apprêtent à se réunir en Congrès national à Calgary, ce soir.

À la Chambre des communes, hier, Stephen Harper a tenté de repousser les attaques de l'opposition en ressortant une condamnation en diffamation vieille de près de 10 ans contre Thomas Mulcair. Au même moment, au Sénat, le leader du gouvernement, Claude Carignan, a déposé une motion pour alléger la sanction à l'égard des sénateurs Duffy, Brazeau et Wallin, cherchant ainsi à sortir de l'impasse qui accapare les travaux de la chambre haute depuis plus d'une semaine.

Tour de la journée en trois temps.

«Le premier ministre n'a pas été très bon»

«Quel foutu bordel!», s'est exclamé un militant conservateur rencontré à l'aéroport de Calgary, qui commentait le scandale des dépenses au Sénat - qui continue de prendre de l'ampleur à quelques heures du début du congrès national du Parti conservateur.

Ce militant, qui a préféré garder l'anonymat, croit Stephen Harper quand il affirme qu'il ne savait pas que son ancien chef de cabinet Nigel Wright a fait un chèque de 90 000$ pour aider Mike Duffy à rembourser les allocations de logement qu'il a indûment empochées. Mais il n'est pas impressionné par la performance de M. Harper depuis le début de la semaine.

Des députés conservateurs rencontrés par La Presse hier cachaient eux aussi mal leur inquiétude de voir cette controverse entacher la réputation de leur parti, à deux ans des prochaines élections.

«Le premier ministre n'a pas été très bon à la Chambre des communes mercredi [hier]. Il doit trouver un moyen de se ressaisir et de reprendre le contrôle de la situation», a affirmé un député conservateur qui a lui aussi requis l'anonymat.

Un autre collègue a abondé dans le même sens et ajouté que l'idée d'abolir purement et simplement le Sénat gagne en popularité chez les conservateurs.

À moins de 24 heures du début du congrès national du Parti conservateur, la question qui est sur les lèvres de plusieurs députés et militants est de savoir si le sénateur Mike Duffy va sévir à nouveau dans le but de torpiller le discours que doit prononcer le premier ministre, demain soir, devant quelque 2000 militants.

«Vieille plotte»

Après une entrevue à l'émission de Jean Lapierre à TQS en 2002, Thomas Mulcair, qui était alors député libéral provincial, avait lancé à l'ancien ministre péquiste Yves Duhaime: «J'ai hâte de te voir en prison, vieille plotte!» D'autres personnes étaient à proximité, dont des participants de l'émission de commentaires sportifs 110%, et un juge de la Cour supérieure avait condamné M. Mulcair à payer des dommages de près de 100 000$ pour diffamation.

Cherchant à résister aux assauts de celui qui est maintenant le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), M. Harper a voulu contre-attaquer hier en évoquant cet incident. «Si le leader du NPD croit qu'il est si inapproprié pour un parti politique d'aider ses membres avec des dépenses, pourquoi ne rembourse-t-il pas ces dépenses à son parti?»

Le premier ministre faisait allusion au chèque de 13 500$ remis au sénateur Mike Duffy par l'avocat du Parti conservateur pour payer ses frais d'avocat dans le cadre de la controverse sur les dépenses appropriées au Sénat.

Thomas Mulcair a accusé M. Harper de tenter d'associer deux histoires totalement différentes. «Le premier ministre est désespéré, a-t-il lancé. Il est acculé au pied du mur. Il n'a plus rien à dire. Il lui reste plus rien. Alors, au lieu de dire la vérité aux Canadiens, d'une manière assez prévisible d'ailleurs, il commence à attaquer l'opposition.»

Vers des sanctions allégées

Le leader du gouvernement au Sénat, Claude Carignan, a commencé la semaine en ouvrant la porte à un compromis quant aux sanctions à imposer aux sénateurs Duffy, Wallin et Brazeau. Il s'est ensuite ravisé lorsque le bureau du premier ministre l'a contredit. Puis, il a de nouveau proposé, mais cette fois dans une motion officielle, une version plus clémente de la suspension sans salaire.

Le gouvernement a proposé hier qu'on leur laisse certains avantages, comme leur assurance maladie. M. Duffy a des problèmes cardiaques et Mme Wallin a déjà combattu le cancer. Ces motions pourraient être soumises à un vote demain, au plus tôt. La question de savoir si plusieurs sénateurs conservateurs voteront contre reste entière, même si un vote, hier, sur la proposition libérale de renvoyer le dossier de Patrick Brazeau en comité a seulement reçu l'appui de deux conservateurs: Hugh Segal et Pamela Wallin.