Stephen Harper a admis que les frais d'avocat du sénateur Mike Duffy ont bien été payés par le Parti conservateur - et donc, par ricochet, en partie par les contribuables canadiens.

Le premier ministre a de nouveau dû aller au front, mardi aux Communes, pour être bombardé de questions au sujet du scandale des dépenses de ses trois sénateurs désormais tombés en disgrâce.

La veille, Mike Duffy a soutenu avoir reçu «au moins deux chèques», dont un de 13 560 $ du Parti conservateur destiné à rembourser ses frais d'avocats. Cela s'ajoute au chèque de 90 000 $ qui aurait été signé par l'ex-chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright, afin qu'il rembourse des allocations de logement auxquelles il n'avait pas droit.

M. Harper a fait valoir qu'il s'agissait d'une pratique courante pour les partis politiques de rembourser des dépenses légales.

«C'est la pratique de ce parti de rembourser les membres de son caucus pour des dépenses légales de temps en temps, et c'est la même pratique pour les autres partis», a-t-il avancé.

Or, les donateurs aux partis politiques bénéficient d'importants crédits d'impôt et sont ainsi en partie remboursés par les contribuables canadiens.

Le Parti conservateur a été sélectif dans le remboursement des frais d'avocats de ses sénateurs fautifs, puisque selon le bureau de Patrick Brazeau et celui de Pamela Wallin, on ne leur aurait pas fait d'offre semblable.

L'admission de M. Harper a fourni de l'eau au moulin des partis d'opposition, qui se demandent quels étaient les motifs du Parti conservateur de signer un tel chèque.

«Si ces dépenses étaient »clairement inappropriées«, pourquoi le premier ministre, dont le bureau contrôle ce fonds, a-t-il demandé à l'avocat du Parti conservateur de rembourser les dépenses de Mike Duffy? Pourquoi demander de camoufler quelque chose qu'il prétend aujourd'hui que c'était clairement inapproprié?», a demandé le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.

Le chef conservateur n'a pas répondu précisément à ces questions, pas plus qu'il n'a fourni d'explication sur les différentes versions qu'il a fournies au sujet du départ de son ancien chef de cabinet. Alors que ce printemps, M. Harper soutenait qu'il avait accepté la démission de M. Wright, il a affirmé lundi l'avoir plutôt mis à pied. Il assure également avoir été tenu à l'écart des manigances.

«L'histoire selon laquelle M. Duffy a remboursé ses propres dépenses quand, en fait, il ne l'avait pas fait est l'histoire de M. Duffy et M. Wright. C'est complètement inacceptable pour moi et pour le public d'avoir été trompés de cette façon», a-t-il affirmé.

Limiter le débat

Les sénateurs conservateurs ont tenté de leur côté d'écourter le supplice en mettant de l'avant une motion pour réduire le temps de débat sur la suspension des trois sénateurs.

Mais les sénateurs libéraux s'y sont opposés farouchement en invoquant leur devoir d'aller au fond des choses dans ce dossier. Ils se sont par ailleurs insurgés du fait que les conservateurs tentent de transformer la nature de trois motions de suspension présentées par le leader du gouvernement au Sénat, Claude Carignan, pour en faire des motions gouvernementales afin d'être capables d'imposer le bâillon.

Le président du Sénat a pris la question en délibéré et devrait trancher mercredi.

Devant la multiplication des débats et la possibilité que de nouveaux amendements soient présentés, M. Carignan a admis qu'il sera difficile de clore le dossier avant le congrès conservateur, alors que M. Harper doit livrer un discours aux militants vendredi. Il accuse les libéraux de faire délibérément de l'obstruction.

«Il est clair qu'ils veulent utiliser toutes les procédures et tous les outils tactiques à leur disposition pour prolonger le délai», a-t-il déploré.

Le leader libéral au Sénat, James Cowan, a nié imposer des délais inutiles, tout en signalant que les conservateurs «avaient commencé la bataille».