Pour le président du Conseil du trésor, Tony Clement, il est ridicule que le gouvernement doive négocier avec les syndicats pour désigner les services essentiels: le gouvernement veut donc changer les règles et restreindre le droit de grève de ses fonctionnaires.

Le gouvernement conservateur s'est servi de son projet de loi omnibus de mise en oeuvre du budget pour apporter les changements qui lui donneront une bien plus grande marge de manoeuvre.

L'imposant projet de loi C-4 contient, encore une fois, une foule d'articles non reliés au budget, comme c'est devenu la façon de faire du gouvernement.

Dans ses 308 pages, le projet législatif inclut notamment des changements à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

La désignation des services essentiels - ceux qui doivent être offerts en partie lors d'une grève - est en cause.

Le gouvernement veut s'arroger le «droit exclusif» de définir lui-même quels sont ces services essentiels et les postes essentiels. Avant, ils faisaient l'objet d'une entente entre le syndicat et l'employeur.

Les conséquences de cette désignation sont très importantes: en vertu des changements proposés, les syndicats ne peuvent déclencher de grève si celle-ci a pour effet de faire participer des fonctionnaires qui occupent des postes désignés comme essentiels. Bref, si une unité de négociation a un certain pourcentage de ses membres qui sont désignés comme tels, la grève n'est plus une option de moyen de pression.

La manoeuvre inquiète grandement les syndicats qui craignent de ne plus avoir le pouvoir de négocier leurs conditions de travail s'ils perdent leur droit de grève.

L'Alliance de la fonction publique du Canada estime ainsi que le gouvernement a perpétré une autre attaque contre les droits des fonctionnaires fédéraux.

«Ce projet de loi s'en prend aux fonctionnaires et aux syndicats qui les représentent. Il aura des conséquences désastreuses sur eux. Le gouvernement perturbe l'équilibre des relations de travail», a dénoncé Robyn Benson, la présidente nationale de l'Alliance, dans un courriel.

Mais Tony Clement juge «raisonnables» les changements proposés.

«Elles (les modifications) donneront à l'employeur le droit que la plupart des Canadiens présument que nous avons déjà, soit de désigner certains postes comme essentiels pour la santé et la sécurité des Canadiens», a-t-il dit.

«Je crois qu'il est complètement ridicule d'avoir un système où l'employeur, dans ce cas le gouvernement du Canada, doive négocier avec l'unité de négociation pour décider quels postes sont essentiels et lesquels ne le sont pas. Ce n'est pas ce à quoi s'attendent les Canadiens», a-t-il ajouté.

Pour le secrétaire trésorier du Syndicat canadien de la fonction publique, Charles Fleury, le risque est qu'à peu près tout soit désigné «service essentiel».

Tony Clement fait valoir à ce sujet qu'il est tenu d'agir de façon raisonnable en vertu des principes de droit administratif.

Et les fonctionnaires auront plutôt droit à un processus d'arbitrage contraignant, explique-t-il.

Mais là où il y a arbitrage, il n'y a pas de droit de grève, a admis M. Clement.

«On n'aura plus aucun rapport de force», s'est exclamé M. Fleury.

«Si on n'a plus de droit de grève, quand on va s'asseoir avec un employeur, il peut tout décider», a-t-il ajouté.

Avant, les employeurs et les syndicats s'entendaient, à l'aide de la jurisprudence, sur ce qui constituait un service essentiel et le nombre de personnes requises pour qu'il soit offert, explique M. Fleury.

Le syndicaliste craint que si la manoeuvre des conservateurs réussit, elle donne des idées à d'autres: aux gouvernements provinciaux et municipaux, notamment.

«Il risque d'y avoir un effet d'entraînement vers le bas pour les conditions de travail», a-t-il dit.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) s'inquiète aussi.

«Il y a de la mauvaise foi de la part du gouvernement quant aux conflits de travail et aux négociations et il essaie de se munir avec des outils pour gagner les conflits de travail à tout prix», a commenté le porte-parole néo-démocrate pour les questions relatives au Conseil du trésor, Mathieu Ravignat.

Il condamne aussi l'inclusion de ces changements dans le projet de loi de mise en oeuvre du budget, une tactique «un peu sournoise», selon lui. Il estime que des changements aussi importants aux droits des travailleurs devraient être débattus en long et en large au Parlement.

L'Alliance de la fonction publique relève d'autres changements dans le projet de loi qui nuiront, selon elle, aux travailleurs, notamment une modification de la définition du mot «danger», qui va resserrer la portée de ce qui est considéré comme un risque à la santé et la sécurité des fonctionnaires.