Le gouvernement du Québec promet d'analyser de «très, très près» les changements annoncés à la Loi sur la Cour suprême du Canada par Ottawa, mardi, de manière à s'assurer qu'ils respectent les droits constitutionnels du Québec.

«Quel cafouillage!», a lancé le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, Alexandre Cloutier, en entrevue à La Presse.

«On vient modifier des dispositions essentielles qui concernent le Québec et ses trois juges garantis pour protéger le droit civil sans même nous en informer», a dénoncé le ministre.

Le gouvernement Harper a annoncé deux mesures, hier, dans l'espoir de résoudre la crise qu'a engendrée la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême, il y a trois semaines.

D'abord, le gouvernement demandera à la Cour suprême de trancher la question de la légalité de cette nomination d'un juge québécois dans le cadre d'un renvoi officiel.

Il a aussi proposé un changement législatif à la Loi sur la Cour suprême pour préciser que les juges peuvent être choisis parmi les personnes qui ont «autrefois» été membres du barreau d'une province pendant au moins 10 ans, y compris celui du Québec.

Ottawa a inclus ce changement à la toute fin d'un projet de loi de mise en oeuvre de 300 pages.

«Notre gouvernement veut régler cette question, a déclaré le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, par voie de communiqué. Il est dans le meilleur intérêt de l'administration de la justice et de l'ensemble des Canadiens et Canadiennes que la Cour suprême du Canada compte à nouveau neuf juges le plus tôt possible.»

Cour fédérale

La nomination du juge Nadon fait l'objet d'une contestation judiciaire devant la Cour fédérale. Il a décidé de ne pas siéger en attendant l'issue du litige, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.

Cette contestation de l'avocat torontois Rocco Galati repose sur le fait que la Loi sur la Cour suprême prévoit que les trois juges québécois du plus haut tribunal du pays doivent provenir du Barreau du Québec, de la Cour supérieure ou de la Cour d'appel de la province.

M. Nadon, qui a justement été nommé pour porter à trois le nombre de juges du Québec, a été membre du Barreau du Québec, mais il siège à des tribunaux fédéraux comme la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale depuis les années 90.

Selon Me Galati, cette nomination contrevient non seulement à la Loi sur la Cour suprême, mais aussi à la Constitution, qui prévoit que tout changement à la composition de la Cour doit être approuvé par les élus des provinces.

Débat constitutionnel

L'avocat a indiqué hier qu'il abandonnera son recours à la Cour fédérale seulement si le gouvernement soulève la question de la constitutionnalité de la nomination du juge Nadon dans son renvoi devant la Cour suprême.

«C'est une offensive flagrante pour imposer un changement unilatéral qui requiert un amendement constitutionnel», a-t-il ajouté au sujet des changements proposés à la Loi sur la Cour suprême.

Au contraire, a fait valoir le ministre de la Justice Peter MacKay, «le gouvernement a déposé des modifications à portée déclaratoire à la Loi sur la Cour suprême, et ce, sans apporter de modifications à la loi actuelle».

Mais selon Sébastien Grammond, professeur de l'Université d'Ottawa spécialisé en droit constitutionnel, «la loi déclaratoire prise isolément est ouverte à la contestation» constitutionnelle.

Le gouvernement du Québec, comme Me Galati et plusieurs autres, attend donc avec impatience de connaître les questions qui seront renvoyées à la Cour. «Je peux vous assurer que nous allons faire entendre la voix du Québec», a promis le ministre Alexandre Cloutier.