Québec croit qu'Ottawa n'a d'autre choix que de prêter une oreille attentive à ses demandes pour le contenu du discours du Trône. Mais bien peu d'indices laissent croire que le fédéral lui a réservé une place de choix dans l'élaboration du document qui donnera le ton aux deux prochaines années du mandat de Stephen Harper.

L'exercice du discours du Trône engendre traditionnellement une liste de demandes de groupes de pression, partis d'opposition et provinces. C'est évidemment au gouvernement fédéral de choisir à qui il tend l'oreille.

Selon le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Alexandre Cloutier, les conservateurs n'ont «pas d'autre choix» que d'écouter Québec cette fois, parce qu'ils «s'en vont directement dans le mur» avec leurs prises de position actuelles.

Main-d'oeuvre

M. Cloutier en a particulièrement contre les changements au programme de formation de la main-d'oeuvre annoncés par le gouvernement de Stephen Harper, qui privent notamment Québec du droit de décider où il veut investir les transferts fédéraux en la matière.

«Tout le monde au Québec est unanime pour dire que nous avons des ententes qui fonctionnent bien, qui rencontrent les objectifs. Alors dans la mesure où personne ne veut de changement et où il n'y a aucun problème à corriger, je ne vois pas comment le gouvernement fédéral peut aller de l'avant», a lancé le ministre péquiste en entrevue.

M. Cloutier souhaite le retour pur et simple du transfert annuel de 116 millions $ que la province gérait à sa guise pour former la main-d'oeuvre. Il assure avoir discuté du sujet avec son homologue fédéral, Denis Lebel, et l'avoir averti qu'Ottawa allait nuire à l'économie de la province s'il ne reculait pas sur le dossier. Il estime que M. Lebel devrait exprimer clairement les intentions du fédéral. «Il fait des ouvertures en privé, qu'il le fasse ensuite sur la place publique», dit-il.

En plus de l'appui des autres partis à l'Assemblée nationale, M. Cloutier compte également sur celui du Conseil du patronat, qui argue à son tour que Québec est mieux placé que le fédéral pour choisir où il doit intervenir.

«Le gouvernement fédéral n'a pas besoin de s'immiscer dans l'élaboration de critères d'application ni d'un programme mur-à-mur», a noté son président Yves-Thomas Dorval en entretien téléphonique. D'autant que Québec consulte déjà les employeurs et les syndicats dans l'élaboration de ses stratégies pour la formation, a-t-il ajouté.

«Que le gouvernement (fédéral) fixe des objectifs de résultats de faire plus de formation liée à l'emploi, on est d'accord avec ça. Mais que le gouvernement vienne dire: ''pour ce faire, voici le programme que nous vous imposons'', là, on dit que ce n'est pas nécessaire», a dit M. Dorval.

Au bureau de Stephen Harper, on refuse toutefois d'indiquer si Québec pourra trouver chaussure à son pied dans le discours qui sera lu par le gouverneur général David Johnston au Sénat mercredi.

Un porte-parole du premier ministre, Carl Vallée, a signalé que le texte allait être axé «sur les besoins des familles, l'économie et l'emploi», mais n'a pas voulu élaborer sur les demandes spécifiques de Québec.

Sécurité ferroviaire

La province espère par ailleurs se faire entendre sur d'autres éléments, comme l'élimination du crédit d'impôt pour les fonds de travailleurs, la refonte de l'assurance-emploi et la création d'une commission pancanadienne de valeurs mobilières.

La sécurité ferroviaire est également au coeur de ses préoccupations, dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic.

«On demande au gouvernement fédéral de s'engager à revoir l'ensemble des règles qui traitent de la sécurité des transports pour les rendre plus transparentes et s'assurer aussi que les compagnies aient toutes les assurances nécessaires en cas de catastrophe», a souligné M. Cloutier.

Il s'agit là aussi d'une des préoccupations principales de l'Union des municipalités du Québec (UMQ). «On pourrait espérer que les réactions soient un peu plus rapides», a signalé son président, Éric Forest.

L'UMQ souhaite par ailleurs un nouvel engagement du fédéral pour les infrastructures.

Consommateurs

On sait déjà que Stephen Harper devrait tenter de charmer les consommateurs dans son discours du Trône, notamment en obligeant les fournisseurs de télévision par câble et satellite à offrir aux clients la possibilité de payer les services à la carte.

«Nous ne pensons pas que les gens devraient être forcés d'acheter des forfaits de chaînes de télévision s'ils ne sont pas intéressés à les regarder», a soutenu le ministre de l'Industrie, James Moore.

Le gouvernement pourrait aussi profiter de l'occasion pour imposer aux compagnies aériennes l'obligation de compenser les voyageurs en cas de surréservation d'un vol.

Les conservateurs ont mis en ligne une publicité en fin de semaine portant sur le discours du Trône, annonçant un «ordre du jour innovateur et audacieux».