Le service de surveillance canadien, accusé d'espionnage par le Brésil, participe à des rencontres d'information secrètes semestrielles à Ottawa avec les géants de l'énergie canadiens. La pétrolière Enbridge, présente à ces rendez-vous, a d'ailleurs offert le repas aux participants lors d'une des rencontres.

C'est ce qu'a révélé mercredi le quotidien britannique The Guardian, qui a obtenu des documents sur ces rencontres grâce à la Loi d'accès à l'information.

Les documents largement raturés montrent que les ministères fédéraux, le service de surveillance et les services policiers rencontrent les représentants des sociétés du secteur énergétique à raison de deux fois l'an, depuis 2005.

Parmi les sujets à l'ordre du jour, on trouve les «menaces» à l'infrastructure énergétique, de même que «les défis posés aux projets énergétiques par les groupes environnementaux», la «cybersécurité» et la question de «l'espionnage économique et corporatif».

Les rencontres sont une occasion pour les agences gouvernementales et les sociétés de développer «des relations à long terme basées sur la confiance» pour encourager l'échange «non officiel» d'information, selon un document du ministère des Ressources naturelles datant de 2010, cité par le quotidien.

Les officiels du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CSTC) prenaient part aux rencontres.

«OEil au beurre noir»

À Ottawa, le chef du NPD, Thomas Mulcair, a soutenu que le Canada a un «oeil au beurre noir» à l'étranger à la suite des révélations concernant l'espionnage au Brésil.

«C'est alarmant d'apprendre que le gouvernement conservateur utilise nos services du renseignement et l'argent du public pour mener une guerre électronique contre un pays avec lequel on n'a jamais eu autre chose que de bonnes relations. Le Brésil a non seulement été espionné par le gouvernement conservateur, mais on apprend qu'il y a eu un transfert d'informations vers des compagnies canadiennes privées de ce qui aurait été volé au Brésil», a dit M. Mulcair.

En entrevue à La Presse, Keith Stewart, analyste des dossiers énergétiques pour Greenpeace Canada, s'est dit préoccupé par le maillage entre le gouvernement et les sociétés du secteur de l'énergie.

«On se demande quels intérêts sert le gouvernement: celui des Canadiens ou celui des géants énergétiques? dit-il. On sait que le gouvernement a fait de la surveillance de Greenpeace et d'autres groupes écologistes pacifistes, tout ça à fort prix, à même les fonds publics. C'est inquiétant de voir le gouvernement agir ainsi.»

Hier, le chef du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CSTC), John Forster, a défendu le travail de ses employés.

«Notre mandat principal, qui est la surveillance des signaux électroniques à l'étranger, fait beaucoup parler dans les médias actuellement. Comme il s'agit de travail classifié, je suis sûr que vous comprenez que je ne peux pas dire grand-chose. Mais tout ce que [le CSTC] fait en termes de surveillance à l'étranger, il le fait en respectant les lois canadiennes.»

Du côté de l'entreprise Enbridge, on a signalé que les rencontres à Ottawa avaient pour but d'informer les sociétés sur les derniers développements des enjeux de sécurité.

«Les rencontres visent à donner à l'industrie un résumé des enjeux liés à la sécurité des infrastructures critiques au Canada», explique dans un courriel envoyé à La Presse le porte-parole d'Enbridge, Graham White.

- Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance